FRANCE – Le raté de la nouvelle mosquée

Reportage à Paris, dans le 18ème arrondissement, en ce vendredi, jour de prière, sous fond de polémique et de « guerre de minarets ».

« Peu importe le lieu, nous voulons juste pouvoir prier. Le vendredi c’est sacré, rien ne m’empêchera de faire mon devoir de musulman. » . Ali, 35 ans a fait le déplacement jusqu’à cet ancien local de l’armée transformé en mosquée et il s’en accommode.

Du côté de la Goutte d’Or, 200 fidèles ont bravé l’interdit pour prier dans une rue annexe. « Il n’y a pas d’arrêté qui interdit la prière dans la rue » nous stipule Mohammed Moussaoui, président du CFCM (conseil français du culte musulman). Ici, ni débordement, ni policier, la prière se passera dans le calme, mais dans la rue. Pour Mounir c’est une question de principe : « On veut un vrai lieu de culte, pas un entrepôt. »

Retour Porte des Poissonniers. A première vue, le bâtiment ressemble effectivement à un hangar abandonné. Une fois l’entrée franchie, les critiques vont bon train : « La salle réservée aux ablutions est insalubre.  On ne peut même pas s’asseoir. Comment vont faire les anciens ? Ils vont rester debout ? » s’emporte Samir, habitué de la mosquée de la rue Myhra.

A y regarder de plus prêt, on comprend sa frustration. Sacs poubelles dans les coins, palettes entreposées juste au-dessus. Rien de très réjouissant. La grande salle de prière n’est pas mieux lotie. Plafond en béton même pas recouvert. Rares fenêtres et murs en piteux états. Dehors, les chaussures prennent le soleil. Rien n’a été prévu pour les ranger.

Pour Camel, s’en est trop : « Ils se sont précipités. Au lieu d’attendre un ou deux mois le temps de la mettre aux normes, ils ont préféré accélérer les choses. »

Une question épineuse qui fait tiquer beaucoup de monde. « Ils ont signé des accords avec le gouvernement sans rien nous demander. » s’emporte Sami.

Mais le recteur de la mosquée de la rue Myrha, Cheick Mohamed Hamza dément et rétorque : « J’ai négocié dur et bien pour obtenir ces locaux. J’ai demandé l’avis de nos frères. Et j’espère que l’Etat, car ce terrain est à lui, acceptera de nous le vendre. »

Voilà peut être une des explications de ces accords précipités. Signés mercredi dernier en catastrophe, ils prévoient l’ouverture de la mosquée sept jours sur sept. Le loyer sera de 30.000 euros par an. Un montant pris en charge par les associations des deux mosquées du XVIIIème arrondissement.

Pour empêcher les fidèles de prier dans la rue, les responsables des associations se sont engagées à fermer leurs lieux de culte ce vendredi et lors de la prochaine fête de l’Aïd el Adha, en novembre.

Y-a-t-il eu des pressions ? Dans l’entourage on répond que non, même si un proche du responsable nous confiera : « qu’il fallait faire comme ça, ça faisait parti du deal. »

Un responsable de la communication nous coupe :« N’oubliez pas que 85.000 euros vont être engagés dans des travaux qui donneront d’ici quelques semaines un parfait endroit de culte. »

En attendant les travaux, hors de question de rater cette première. Agents de sécurités se mêlent à des RG tout droit sorti de la trilogie matrix.

Très vite les salles affichent complet. Les gens continuent d’arriver en nombre. Les tapis se déroulent dans la cour. En quelques minutes la place est pleine.

Ironie du sort, les musulmans chassés du quartier de la Goutte d’or se retrouvent à devoir prier dehors.

Soudain des cris se font entendre. D’un coup tout le monde se précipite vers l’entrée. Un groupe d’une vingtaine de jeunes musulmans vient faire entendre sa colère. Encerclés par la sécurité, ils réclament la démission de Cheikh Hamza. Deux hommes sont à deux doigt d’en venir aux mains.

Leur meneur nous explique « qu’il est honteux de fermer des mosquées. Nos dirigeants nous ont trahis.»

Scène surréaliste. La prière commence alors qu’au premier rang, les querelles continuent. On s’empoigne, on s’accroche avant que les esprits ne se calment peu à peu.

La prière se termine. Les gens se lèvent et se dirigent vers la sortie.

Cette première ne fut pas une franche réussite. Pour Idir, c’est même la soupe à la grimace : « On nous a fait prier dans un poulailler, c’est une honte. »

Jonathan Ardines

Jonathan Ardines