France – Ouverture du procès Carlos : un cirque indécent

 France – Ouverture du procès Carlos : un cirque indécent

Sourire aux lèvres

Depuis hier lundi, Illich Ramirez Sanchez dit Carlos est jugé pour quatre attentats commis sur le sol français. Vieux de près de 30 ans, ils ont fait 11 morts et 150 blessés. La première journée de son procès a parfois pris les allures d’un grand cirque, entre provocations et ironie.

On le disait fatigué, amaigri par une drastique grève de la faim qu’il s’était imposée en cellule depuis plusieurs semaines. Ce lundi matin, à 10h15, quand il fait son entrée au tribunal, le Vénézuélien de 62 ans est loin de faire cette impression. Bien portant, sourire aux lèvres, il salue son comité de soutien présent dans la salle en brandissant le poing de la révolution.

Il ne met pas longtemps à commencer son numéro. Pull gris, manteau bleu à col beige, petite barbe blanche naissante, l’accusé ne tient pas en place. Dans son box, il se lève, se rassoit, s’accoude contre la vitre, discute avec les gendarmes et dévisage le public.

Il décline son identité avec un fort accent sud-américain qui rend à peine audible ses propos. Carlos prend ensuite la parole pour se décrire comme un « révolutionnaire de profession ».

Ses avocats, Mes Isabelle Coutant-Peyre et Françis Vuillemin lui ont emboîté le pas pour dénoncer un « procès inéquitable ». Lâché par le Vénézuela, Carlos n’a plus un sou et les avocats ne veulent pas « se mettre en faillite » pour le défendre. Les deux magistrats décident donc de se retirer de l’affaire. Premier coup de théâtre ? Non, le président Olivier Leurent les désigne commis d’office, les obligeant à rester.

Un parcours jonché de cadavres

En août 1994, la DST arrête Carlos au Soudan. Depuis ce jour, il n’a plus quitté les prisons françaises. En 1997, après un premier procès retentissant, il est reconnu coupable de l’assassinat de trois hommes à Paris, dont deux policiers, en 1975, lors d’une fusillade. Un verdict qui entraîna la peine de prison à perpétuité.

Aujourd’hui, il est accusé d’avoir fomenté quatre attentats entre 1982 et 1983. Le 29 mars 1982, une bombe explosait dans un train Paris-Toulouse causant le décès de 5 personnes et en blessant 28.

Le 22 avril, alors que débutait le procès de sa compagne allemande de l’époque Magdalena Kopp et du Suisse Bruno Bréguet, deux membres de son groupe terroriste, une voiture piégée explose devant le siège du magazine Al Watan Al Arabi, rue Marbeuf à Paris. Une passante décédera sur le coup, 66 personnes furent blessées.

Les deux autres attentats qui lui sont reprochés sont intervenus lors du réveillon en 1983. Le premier à la gare Saint-Charles de Marseille (2 morts et 33 blessés), l’autre contre un TGV Marseille-Paris (3 morts et 12 blessés).

Mais Carlos n’est pas le seul accusé. Sur la liste figurent aussi, Johannes Weinrich, ancien bras droit de Carlos, détenu en Allemagne, Christa Frohlich en fuite en Allemagne tandis que Ali Issawi est toujours recherché.

Un cirque indécent

Même si l’Allemagne a refusé de l’extrader pour le procès, Mme Frohlich est représentée par son avocat, Me Bernard Ripert. Et il ne fait pas dans la demi-mesure : « Ce procès est politique. Il est audacieux de qualifier les faits poursuivis d’attentats. On veut faire de ce procès un lynchage, comme les assassins de l’Otan ont fomenté le lynchage de Kadhafi », avant de monter d’un ton dans la provocation : « Si vous êtes en manque de clients, allez en Irak, en Lybie : des centaines de milliers de victimes ont besoin de vous ! ». Le président Olivier Leurent ne bronche pas.

Dans son box, Carlos se régale de ce grand cirque indécent. Mais pas question de se laisser voler la vedette, le Sud-américain demande la parole. Il se lève, et raconte un de ses faits d’armes au Tchad. Le président tente de la recadrer : « Ce n’est pas le sujet », Carlos lui répond sèchement : « Mais laissez-moi parler, mon ami ! ».

Les familles des victimes ont parfois dû se demander si on assistait là à un procès ou à une pièce de théâtre.

Jonathan Ardines

Jonathan Ardines