France. Vague d’expulsions en Seine-Saint-Denis

 France. Vague d’expulsions en Seine-Saint-Denis

Alors que l’hiver débute

Alors que l’hiver pointe le bout de son nez, la préfecture du 93 multiplie les expulsions depuis quelques semaines. Trois squats ont été vidés de leurs occupants à Saint-Denis, alors qu’à Montreuil, 300 personnes installées dans un stade, attendent que le tribunal administratif décide de leur sort.

Sur le parvis de la mairie de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), un abri de fortune a été installé. Entre les tentes, une trentaine de personnes attendent d’être relogés : « Mercredi matin, vers 5h, de nombreux policiers sont venus pour nous expulser. Ils ont bloqué la route et ont évacué tout le monde au pas de course. Nous n’avons même pas pu récupérer nos affaires », nous raconte Moussa Keita.

Pourtant, une semaine avant, lors d’un rendez-vous à la sous-préfecture, on leur affirme qu’il n’y aura aucune expulsion : « Pas en hiver », leur avait-on assuré…

Dans le froid, trois enfants jouent à cache-cache entre les tentes. Assis sur quelques chaises, les hommes préparent le thé. Un peu plus loin, les mamans papotent avant de rentrer : « Les familles ont trouvé une chambre d’hôtel au Blanc-Mesnil en attendant. Les enfants ne pouvaient pas dormir dehors, même pour nous, c’est très difficile », nous confie Koné, son bébé dans les bras.

Les habitants de la commune se succèdent pour apporter de quoi manger, quelques couvertures, ou simplement discuter et signer la pétition : « On attend un rendez-vous avec la mairie. Hier soir, ils n’ont pas pu nous recevoir. On espère que ça va se faire vite, sinon on va passer le week-end dehors », nous lance un jeune Ivoirien.

Demain samedi, une manifestation est organisée à 11h30 devant l’école Jules Vallès : « On se bat, on veut que toutes les personnes soient relogées et régularisées », avance Moussa.

Le Conseil Général expulse à Montreuil

« Toutes ces expulsions ne m’étonnent pas. Le président Sarkozy a nommé le préfet Lambert dans le 93 pour ça », lâche Jean-Baptiste Eyraud, porte parole du DAL (droit au logement).

Devant le tribunal administratif de Montreuil, ils sont nombreux à avoir fait le déplacement. Le 31 juillet dernier, au 94 rue des Sorins, 300 personnes se retrouvent expulsés : « On venait de faire pour 13 000 euros de réparations à nos frais pour mettre l’eau et l’électricité. On n’a pas eu le temps d’inaugurer, les policiers sont arrivés et nous ont mis dehors », raconte Issa Cissé porte-parole des expulsés.

Une semaine après, le préfet les reçoit et leur promet que « tout va être arrangé ». « Cela fait quatre mois, on attend toujours des nouvelles », s’agace Issa. Pour parer au plus pressé, toute la troupe installe un camp sur le stade André Blain de la commune.

Alors que l’hiver arrive à grands pas, le conseil général PS de Seine-Saint-Denis décide de les faire expulser. Soutenus par de nombreux collectifs et associations, ils ne cachent plus leur incompréhension : « Il n’y a ici que des travailleurs qui souhaitent payer des impôts et aider le pays à se développer », s’emporte Issa Cissé avant de rajouter : « Je crois au dialogue. Il faut qu’on rencontre le préfet et qu’on trouve une solution pour reloger toutes ces familles ».

M. Eyraud reste perplexe : « Le gouvernement refuse de récupérer les logements vacants. Ils font tout pour aggraver la crise du logement ».

Manifestation devant l’assemblée

L’audience se termine. Le DAL a fait valoir un conflit entre le Conseil Général et la mairie (qui a donné son accord pour accueillir les sans-abris). Le tribunal rendra sa décision la semaine prochaine.

Direction l’assemblée nationale pour manifester contre les propositions du secrétaire d’État au logement, Benoist Apparu, « du pipeau » pour M. Eyraud : « Il veut faire une nouvelle politique du logement, mais on manque déjà de structures d’accueil pour les sans-abris ».

Leurs revendications, sous la pluie et les rafales de vent, ont fini par être entendues. La semaine prochaine, une délégation sera reçue au ministère. « Nous allons réclamer un plan d’urgence », scande le délégué du DAL avant d’ironiser, un brin fataliste : « La rigueur budgétaire voulue par M. Sarkozy sera dure pour les pauvres et douce pour les riches ».

Jonathan Ardines

Jonathan Ardines