La chronique du Tocard. Ma dixième première fois en Palestine

 La chronique du Tocard. Ma dixième première fois en Palestine


 


La veille de ce voyage pas comme les autres, le sommeil avait décidé, comme à son habitude, d’aller se casher pour mourir. C’était un jeu de mots tout pourri, niveau Imam de Drancy, pas du tout antisémite, mais la liberté d’écrire ce qu’on veut n’est pas donnée à tout le monde, c’est aussi pour ça qu’il en faut abuser. 


 


C'était la 10 ème fois que je partais en Palestine et j’étais toujours autant excité. Le premier de la série avait eu lieu en 2001. La fin de l’année était là. Le froid et la neige aussi, qui tombait un petit peu, comme des larmes qui coulent le long des joues d’une femme après qu’elle eut vu un film attendrissant.


A l'époque, j'étais tout seul, à bicyclette en balade autour du globe terrestre, aussi sec qu’un coton tige, beau comme le paradis, me sentant fort comme la mort. C’est toujours beau de s’aimer soi-même, malgré le fait que tous les goûts sont dans la nature.


La seconde Intifada venait à peine de démarrer et les chars de l’Israël moderne étaient à Ramallah, montrant leur force, même si la vérité si je mens, sans les Etats-Unis, tout le monde sait que l’armée israélienne vaut pas un shekel.


Yasser Arafat, un président reconnu de tous, était bloqué à l’intérieur de son palais, la Mouqata qu’ils disent les Gnoules d’ici. Le raïs ne pouvait même pas aller acheter à l’autre bout de sa rue du hummus, le plat local, qui est aussi une purée de pois chiche et qui donne des gaz à tout le monde même au plus important des homosapiens. 


J’étais parti lui rendre visite en tout bien, tout honneur, et Arafat m’avait reçu avec le sourire et l’hospitalité palestiniennes (des gâteaux, du thé, du jus et des biscuits). A travers moi, il remerciait tout le peuple de l’Algérie qui l’avait tant soutenu.


De retour dans ma chambre d’hôtel à Jérusalem, j’avais dormi d’un coup sec, heureux de ouf, submergé par le bonheur d’avoir rencontré ce grand monsieur de l’histoire contemporaine. J’avais attendu 2009 pour revenir une deuxième fois en Palestine, et depuis, chaque année, on pouvait voir ma tronche et mes mollets de coq en Cisjordanie Occupée. Et je ne le regrettais pas.


 Ces 9 voyages avaient été salutaires, riches d’enseignement. Ils m’avaient appris le relatif, la compréhension que j’étais né en dessous d’une étoile pas trop dégueulasse. Tout ce temps passé en Palestine m’avait montré que l’espoir ne meurt jamais et que le primordial chez l’homme, c’est de se comporter en bonhomme, c’est à dire de ne jamais trahir ses idéaux. 


Pour comprendre un peu aussi mon cheminement personnel, il faut faire un retour en arrière. J’avais très vite embrassé la cause palestinienne, c’était même à l'enfance que j'avais développé la conscience politique. C'était à force de voir Mohand Dendoune, très remonté à chaque fois qu’il regardait le JT de la télé, où on montrait les exactions de l'armée israélienne.


Mon père, ni lire, ni écrire, pas assez "de souche" pendant la colonisation pour avoir le droit d’apprendre la langue d’Arnaud Gore, adorait Arafat et je crois qu’il aurait voulu être un peu plus comme lui, comme ça, il aurait pu l’ouvrir davantage en France. Mais marliche papa, on a pris le relais, et comme le daron a pas pu dire tout ce qu’il voulait, je me suis chargé de le faire et j’ai même abusé dans les décibels.


Maintenant, il était temps d'aller dormir parce que je partais très tôt le lendemain. Je m’en allais avec un autre groupe de Français, pour eux, toute première fois en Palestine. Et comme y avait une femme de 72 ans avec nous, j’ai pensé subitement à ma mère qui en a sept de plus au comptoir de la vie et au bonheur qu’elle aurait eu de pouvoir admirer Jérusalem et d’aller prier pour un monde meilleur sur l’esplanade des mosquées.


Et après, je suis revenu dans le réel et je me suis rappelé qu’avec son passeport vert arabe de l’Algérie indépendante, elle était logée à la même enseigne que beaucoup de Palestiniens, tous interdits d’entrée. Bien entendu, c’était bien plus grave pour nos amis de Palestine à qui on refusait d’aller sur leurs terres.


Et après, je me suis consolé en me disant que même si tous mes cadeaux que je ramenais à chacun de mes périples, ne remplaceraient jamais un voyage sur place, je conterai à ma mère comme toujours à mon retour au bercail, le "vert" espoir des Palestiniens, celui qui est toujours suspendu au Mont des Oliviers…


 


Nadir Dendoune


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Nadir Dendoune