Le Maroc a enfin un gouvernement !

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Le palais royal a donné hier mardi son feu vert au nouvel Exécutif

Depuis les législatives anticipées de novembre dernier, remportées par les islamistes modérés du PJD, il aura fallu un peu plus de cinq semaines pour que le palais royal donne son feu vert hier mardi au nouvel Exécutif, le 30ème après l’indépendance du pays et le premier gouvernement à diriger sous la nouvelle constitution, amendée en juillet dernier. Composée de 30 ministres, la nouvelle équipe gouvernementale dirigée par Abdelilah Benkirane présente des particularités intéressantes.

 

Commençons par la répartition. Le PJD a décroché 11 portefeuilles ministériels (sans compter la primature), l’Istiqlal 6, le Mouvement populaire (MP) et le PPS ont eu droit chacun à 4 portefeuilles et enfin, 5 ministères sont gérés par des indépendants, sans étiquette politique.

Le cas de ces derniers est intéressant dans le sens où le gouvernement Benkirane comporte peu de SAP (Sans appartenance politique) en comparaison avec ses prédécesseurs. Celui de Abbas El Fassi par exemple en comptait dix. Ce qui a été interprété comme une rupture avec les anciennes pratiques, quand le palais royal parachutait des technocrates à la tête de ministères clé.

La même observation peut être faite en ce qui concerne les « ministères de souveraineté », appelés ainsi car seul le roi avait le droit de nommer les ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de la Justice, et enfin des Habous et des Affaires islamiques. Excepté ce dernier portefeuille, les trois autres postes sont occupés par des politiques. L’Intérieur est revenu au MP, la Justice et les Affaires étrangères au PJD.

Cherchez la femme

Et elle est difficile à trouver… Seule une femme, Bassima Hakkaoui, a été nommée à la tête du « ministère de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social ».

Le comble du paradoxe, c’est que Mme Hakkaoui arbore la bannière PJD, qui s’est avéré le seul parti à avoir appliqué en interne un semblant d’approche sensible au genre. Même les socialistes n’ont pas présenté de candidate ! « Comment voulez-vous mobiliser les femmes et gagner leur confiance dans un tel contexte ? », s’interroge Hasna Abou Zeyd, parlementaire USFP.

Le PJD se serait-il fait avoir ?

Dans sa première déclaration suite à la nomination du gouvernement, Abdelilah Benkirane a tenu hier mardi à rassurer ses concitoyens, promettant des réformes ainsi que « le respect des engagements pris par l’Etat ».

Benkirane n’a pas manqué l’occasion de demander « l’appui des Marocains, car aucun gouvernement ne peut réussir s’il n’a pas le soutien du peuple ». Comprenez : manifestez moins et laissez-nous le temps de faire nos preuves… Sauf que la partie sera ardue.

Curieusement, nombre de ministères stratégiques sont entre les mains des partis complétant la coalition gouvernementale (Istiqlal, MP, PPS), en rupture avec la tradition démocratique qui veut que ces ministres soient issus du parti ayant remporté les élections.

En plus de l’Intérieur qui est entre les mains de Mohand Laenser du MP comme nous l’avons vu plus haut, on retrouve des Istiqlaliens en charge de l’Economie et des finances, de l’Energie ainsi que de l’Education nationale. Le PPS est, quant à lui, à la tête des ministères de l’Habitat et de l’urbanisme, de la Santé, et a même décroché le ministère de l’Emploi.

Or, ce sont ces mêmes ministères qui ont été décriés par le PJD en raison du mode de gestion, avant les élections, et ce sont ces mêmes secteurs – spécialement l’éducation, la santé, l’emploi et l’habitat – qui sont pointés du doigt par le Marocain lambda lors des manifestations… D’où la complexité de la situation.

Benkirane et les siens n’auront certainement pas les coudées franches pour faire passer leurs réformes, mais il sera nécessaire de rendre des comptes à la rue au terme des cent jours…

Zakaria Boulahya

Zakaria Boulahya