Maroc- Il faut sauver l’Oued Moulouya !

Depuis le 15 juillet, une série de vidéos diffusées  sur youtube révèlent le tragique destin de milliers de poissons morts sur les rives de l’oued Moulouya. Si les analyses de l’eau de l’oued sont toujours en cours, une raffinerie de sucre encaisse la responsabilité, selon les habitants et acteurs associatifs de la région.

Suite à l’alerte déclenchée par une population lésée, les associations locales de défense de l’environnement décident d’ébruiter l’affaire. Très vite, le cri devient assourdissant grâce à la viralité d’internet et des médias sociaux. Et pour cause. Des images plus qu’éloquentes annonçant l’extinction proche de toute forme de vie dans le fleuve et tout autour. Des milliers de poissons morts jonchent les côtes, un spectacle alarmant.

 

Des associations mènent l’enquête

 

Moulouya est un fleuve du nord oriental, étendu sur près de 600 km. Il est connu pour la diversité et la richesse de sa faune et de sa flore. Son embouchure est déclarée zone géographique protégée du Maroc. Malheureusement, pas assez.

 

Les associations, particulièrement mobilisée pour élucider le mystère de la Moulouya, ont procédé à une enquête auprès des populations alentours. Des paysans assurent avoir perdu du bétail et des animaux domestiques qui ont bu de l’eau de Moulouya. La panique et l’odeur nauséabonde du fleuve les dissuadent de recourir à ses eaux pour irriguer leurs parcelles craignant que cela ne contamine les cultures de melons et de pastèques, prédominantes dans la région.

 

Les faits, qualifiés de  catastrophiques, ne semblent pas exceptionnels. Déjà dans les années 80 et 90, la population locale et les associations écologistes pointaient d’un doigt accusateur la raffinerie de sucre Sucrafor, filiale du géant Cosumar, qui dépassait les quotas autorisés de rejets d’eaux usées dans le fleuve et qui serait également accusée actuellement.

 

Le directeur Général de la Sucrafor de Zaïo, contacté par un collectif associatif, rejette toutes les accusations, niant l’utilisation de produits chimiques responsables de l’intoxication des poissons dans le processus industriel de son usine. Accompagné par le Directeur technique et la responsable du département QSE (Qualité, Sécurité, Environnement), le DG se hasarde même à accuser l’ONEP (l’Office national des eaux potables) dont les rejets en eaux usées, dans la Moulouya, pourraient être à l’origine de la pollution.

 

Des échantillons d’eau ont été recueillis par des agents de la gendarmerie afin d’être mis à l’étude. En attendant le résultat des tests, le spectacle continue d’effrayer et de désoler. Les images accablantes font le tour des médias nationaux et internationaux qui se mêlent de près à l’enquête.

 

La nouvelle constitution mise à l’épreuve

Dans son premier communiqué depuis le début de l’affaire, le Parti de l’Environnement et du Développement Durable, parti de la gauche verte marocaine, se joint aux acteurs associatifs pour exiger que lumière soit faite sur la pollution du fleuve Moulouya. Il  souligne également « qu’il est temps de mettre un terme à ce type de catastrophe en appliquant tout l’arsenal juridique dont dispose le pays pour sanctionner ce type d’agissement irresponsable« .

En effet, un arsenal juridique existe bel et bien, mais se tapi dans les registres de loi. Très peu de grandes entreprises, à potentiel polluant élevé, se contraignent à limiter leurs rejets nuisibles à l’environnement. L’impunité est proportionnelle à la taille de la boîte.

Ce qui est nouveau, c’est que l’affaire survient moins d’un mois après l’adoption de la nouvelle constitution qui garantit aux citoyens les « conditions leur permettant de jouir des droits à l’accès à l’eau, à un environnement sain et au développement durable » (article 35).

Les acteurs associatifs, qui se plaignent de la suprématie du volet Energie et Mines sur celui de l’Eau et de l’Environnement chez le ministère en charge, comptent faire valoir ce droit constitutionnel pour établir un ensemble de lois solides et surtout de veiller à leur application effective, afin de sauver l’environnement et les autres points d’eau du Royaume.

Fedwa Misk

Fadwa Miadi