Maroc- Les partis politiques sur le pied de guerre !

C’est un remue-ménage profond qui secoue la scène politique au Maroc. Comme dans tous les pays arabes, les partis tâtent le terrain, se sondent les uns les autres et essaient de s’en sortir avec la meilleure combinaison possible pour décrocher cette majorité tant désirée et, avec elle, la clé du pouvoir pour les années à venir.

Malgré les objections de certains partis pour retarder un peu plus les élections, afin de renouveler leurs listes et raccorder leurs programmes aux revendications du peuple, les élections approchent telle une épreuve non préparée.

Il y a d’abord ceux qui ne savent pas encore s’ils participent. Le Parti Socialiste Unifié devra statuer la semaine prochaine sur sa participation, ou pas, au cours de son onzième conseil national. Et il y a tous les partis qui doivent penser le rapprochement pour espérer la participation au futur gouvernement. Entre gauchistes, libéraux et conservateurs, il y a de quoi imaginer un tas de scénarios. Ensuite, il y a ceux qui participent sans grand espoir de faire partie du gouvernement.

L’Islam politique

Le PJD craint déjà de ne pas trouver de partenaire de poids à ses côtés. Rejeté par le RNI, le PAM, le Mouvement Populaire et l’Union Constitutionnelle, seul le parti de l’Istiqlal avec un USFP renforcé par la Koutla peuvent encore lui accorder une possibilité d’alliance.

Les conservateurs laxistes

L’Istiqlal, lui, est un parti conservateur connu pour son laxisme politique. Mais c’est le parti qui a l’appareil le mieux réparti dans le pays, et le mieux structuré.

Il ne raterait pas en effet la coalition avec le PJD si ce dernier arrivait en tête. Un tel scénario pourrait augurer d’une suprématie de l’Istiqlal sur les champs économiques et la mainmise du PJD sur les secteurs sociaux et culturels. Cela dit, l’Istiqlal n’hésiterait pas à se rallier à un autre parti, moins conservateur et surtout moins controversé. Un parti libéral modéré tel que le RNI ferait un meilleur allié pour lui.

Libéralisme en puissance

Actuellement, ce sont les partis de l’alliance des quatre (RNI, PAM, UC, MP) qui s’activent le plus. Unis par une idéologie libérale commune, chacun se trouve appui chez d’autres partis moins influents pour renforcer ses rangs. Le PAM, avec sa faune très hétérogène et sa composante gauchiste, peut espérer rallier une Gauche permissive pour imbiber de socialisme son projet d’Etat. Si l’alliance des quatre arrive en tête, elle relèguera les partis conservateurs aux sièges de l’opposition. Cette dernière ne pourrait qu’être féroce avec un Istiqlal et un PJD sur les bancs de touche.

Le parent pauvre socialiste

Un scénario dans lequel la Gauche dominerait est improbable à moins de s’ouvrir à d’autres composantes socialistes actives, dont le PSU s’il se décidait à être de la partie. Sans cela, l’USFP ne peut qu’être dans l’attente d’un appel en renfort, car à moins surprise, il ne devrait pas peser lourd, même en embrassant entièrement la Koutla.

Une loi express pour régir les élections

Après plusieurs réunions entre les partis politiques et le ministère de l’Intérieur, un compromis a été trouvé sur le projet de loi organique sur les élections présenté par le ministre Taib Cherkaoui. Le projet maintient le mode de scrutin de liste et garde le seuil de 6% pour obtenir un siège au sein de la Chambre des représentants. Le nouveau texte prévoit également l’augmentation du nombre des circonscriptions électorales en raison de la création dernièrement de nouvelles préfectures, ce qui permettrait une plus large représentativité au parlement.

Si le principe de la parité hommes-femmes, cité dans la nouvelle Constitution, n’a pas été pris au pied de la lettre, 60 sièges sont réservés exclusivement aux femmes. Celles-ci en espéraient au moins 90  et demandaient également une  liste nationale qui leur soit entièrement dédiée au lieu de faire la concurrence aux jeunes. Les associations féminines se sont déclarées déçues par la liste validée.

Quant aux jeunes,  ils seront 30 à siéger au parlement, sur 375 députés, alors qu’ils composent 70% de la population. En plus, leur âge a été relevé à 40 ans au lieu de 35 ans proposé dans la première version de l’avant-projet. Fait intéressant, chez cette catégorie là, la parité a été prônée comme règle de base par l’ensemble des organisations représentant la jeunesse.

Pour rappel, le « Collectif des Associations Démocratiques Marocaines en Europe pour une Citoyenneté Effective Ici et Là-bas » avait appelé les partis politiques à intégrer des Marocains résident à l’étranger (MRE) dans leurs listes nationales, lors des prochaines élections législatives aux côtés des femmes et des jeunes. Il refusait également le mode de vote par procuration.

Officieusement, la campagne est déjà en marche

Par souci d’intégrité, des commissions chargées de réviser les listes électorales seront présidées par des juges désignés par le premier président de la Cour d’Appel du Maroc : près de 1.800 commissions seront mises en place. Le déroulement des campagnes électorales sera, quant à lui, sujet à une stricte surveillance de la part du ministère de l’Intérieur.

Cela dit, les partis ont déjà commencé leurs campagnes électorales. Lors des rencontres politiques dans les Agora qui foisonnent sur l’espace public, des représentants de partis viennent à la rencontre des jeunes, se prêtent au jeu de la politique de proximité et encaissent même remarques caustiques et accusations virulentes. Seuls les plus charismatiques s’en sortent sans trop de dégâts en général.

Si les actions et « acquis » du gouvernement lui appartiennent, certains ministres n’hésitent pas à les utiliser pour faire valoir leur image personnelle et à travers elle celle de leur parti. Parler de continuité dans les projets déjà entamés, insinue une forte volonté d’être du nouveau gouvernement.

La préparation des élections se sent également aux sorties théâtrales dans les médias, pour plus de femmes et de jeunes dans les listes électorales ou contre le recours aux pots-de-vin dans les patelins éloignés et jusqu’aux déclarations provocantes sur les plateaux télévisés : tout est bon pour en mettre plein la vue aux marocains.

Fedwa Misk

Fadwa Miadi