Tunisie- Pugilat sonore sur Nessma tv

Cela s’est passé jeudi soir sur le plateau de Nessma TV. Nessma, la très tunisienne chaîne du Grand Maghreb, a créé une émission de « débat » politique, intitulée « issar, imine », littéralement « gauche, droite ».  En vérité, débat n’est pas le mot qui convient. On pourrait aussi bien l’intituler pugilat. Mais « issar, imine » est une appellation qui s’inspire manifestement du fameux « al ittijah al mouakiss » d’Al Jazeera (littéralement, la direction opposée) avec laquelle elle a en commun les vociférations et les échanges d’invectives et de propos désobligeants, les attaques personnelles, les accusations non fondées, bref le non-respect de l’autre partie.

Ce soir là donc, la nouvelle émission recevait Abdelfattah Mourou, le très médiatique avocat islamiste, fondateur du MTI (Mouvement de la tendance islamique, ancêtre d’Ennahdha) et Abdelaziz Mzoughi, avocat également connu pour ses positions hostiles à l’islamisme.

A la fin de l’émission, le téléspectateur est bien en peine de se souvenir d’une seule idée exprimée sur le plateau. Par contre le ton goguenard, les piques, les accusations de l’un ou de l’autre, les cris, ont marqué les esprits. La démocratie nessmo tunisienne est un ring sur lequel gagne celui qui crie le plus fort et qui sait manier l’ironie mordante, voire les piques les plus désobligeantes.

Le principal message formulé par Abdelfattah Mourou était pourtant très intéressant mais il n’était pas audible car noyé dans le tsunami sonore ambiant.

Pour M. Mourou, aucun des partis islamistes autorisés (selon lui, ils sont « quatre ou cinq »), ne propose un modèle de société nouveau. « Bourguiba nous a laissé un modèle de société auquel nous sommes attachés » (si, si). « Il faut que ce modèle soit conforté par des institutions qui protègent les droits du citoyen, un citoyen qui  peut jouir librement de ses biens, qui vit dans l’égalité avec les autres citoyens et qui a la liberté de choix ».

Abdelfattah Mourou ajoute :

-« aucun parti islamiste ne dira autre chose,

tous les partis tunisiens doivent laisser de côté leurs programmes et nous devons nous attacher tous à réaliser les priorités ci-dessus ».

M. Mourou rappelle que seuls quelques partis ont une expérience de l’action politique, mais que cette expérience est partielle et que nous sommes un pays sans vraies traditions partisanes, ni traditions démocratiques.

Pour le reste, Abdelfattah Mourou s’est présenté comme un militant politique mais pas comme membre d’Ennahdha.

Me Abdelaziz Mzoughi, l’autre convive de ces agapes – pardon de ces joutes, a accusé les islamistes en général, Ennahdha en particulier, d’entretenir la violence politique ainsi que le double discours. Il a exigé une condamnation ferme des dernières violences à caution religieuse (« Tous ceux qui violent la loi doivent être condamnés », a répondu Mourou ce qui comme souvent malheureusement dans les discours islamistes, peut être compris de différentes manières).

Au final, nous ne savons pas si M. Mourou était sincère dans sa proposition. Il n’y a pas de raison pour le moment de ne pas lui accorder le bénéfice du doute. Sa proposition est pertinente et mérite d’être approfondie.

Quant à l’émission,  la Tunisie a aujourd’hui besoin de vrais débats où les règles de la bienséance et du respect de l’autre sont respectées. La démocratie n’est pas un combat de coqs et les média ont pour devoir d’aider le citoyen à faire un choix éclairé.

 Boujemâa Sebti

 

Boujemaa Sebti