Près d’une agence d’intérim sur deux testée par SOS-Racisme accepte les consignes de discrimination de ses clients

 Près d’une agence d’intérim sur deux testée par SOS-Racisme accepte les consignes de discrimination de ses clients

Dominique Sopo, président de SOS Racisme. Samuel Boivin / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Malheureusement, rien de nouveau sous le soleil. Près de la moitié des agences d’intérim ciblées par le dernier testing de SOS Racisme ont accepté de discriminer à la demande de clients du BTP. Elles ont répondu favorablement à une requête illégale : écarter des candidats de type non européen.

 

C’est le milieu qui emploie la plus forte proportion de travailleurs étrangers, ou d’origine étrangère. Un milieu à l’intérieur duquel il paraît donc difficile de discriminer. Pourtant certaines entreprises continuent de céder à des pratiques illégales, comme la sélection de profils en fonction de l’origine ethno-raciale, à la demande de clients.

Pour la première fois, SOS Racisme cible, à travers un testing téléphonique, le secteur des agences d’intérim dans le bâtiment.

En mai dernier, 69 agences franciliennes ont été contactées en quelques jours, parmi les neuf principales enseignes de l’intérim. Des sociétés qui représentent, à elles seules, pas moins de 19 milliards d’euros de chiffre d’affaire.

« Il a fallu faire vite, et être très organisé pour ne pas être démasqué par telle ou telle enseigne. Lorsque nous appelions les agences d’un même groupe, il fallait les appeler toutes dans la journée », raconte Sylia l’une des membres de la petite équipe de testing à nos confrères de France Inter.

Même scénario à chaque fois : une personne appelle au nom d’une entreprise du BTP, fictive, et dit avoir des consignes strictes de la part de son patron : « On expliquait qu’on recherchait des profils uniquement de type européen, car il y avait déjà eu des problèmes avec des travailleurs de différentes communautés. On voulait savoir s’il était possible de filtrer les candidatures. »

Les résultats sont sans appel : 45% des agences acceptent de discriminer à la demande de clients potentiels, ou plus rarement de se rendre complice de discrimination en fournissant les CV afin que la société commanditaire fasse elle-même le tri.

Certaines réponses sont édifiantes. Une directrice d’agence lâche en riant : « Là on est dans de la discrimination. Je le note et je le garde pour moi mais je m’en souviendrai pour vous faire parvenir les profils que vous recherchez. » Une employée n’hésite pas à dire que « c’est faisable, à condition que cette conversation reste confidentielle ».

Une autre encore explique que « mieux vaut ne pas mettre ça par mail », mais qu’elle pourra effectivement fournir deux profils européens. L’association ne manque pas d’extraits sonores, tant ces réactions ont été tristement nombreuses.

« On ne les a pas poussés. Si la réponse était non, alors on n’insistait pas », ajoute Marie Mescame responsable du pôle juridique de SOS Racisme. « C’est d’autant plus accablant que certaines ont signé des chartes de l’égalité. On fait des lois. Mais elles ne sont pas appliquées. Elles ne sont pas contraignantes en fait ! Il manque encore une véritable politique de lutte contre les discriminations », continue-t-elle.

Alors que faire ? SOS Racisme plaide pour une interdiction pendant 10 ans de gérer une entreprise pour les employeurs condamnés pour discrimination, et une obligation de formation pour l’ensemble des professionnels de l’intérim.

L’association souhaite également interpeller les candidats à la présidentielle sur ces questions, qu’elle juge trop peu présentes dans le débat public. Un débat vicié, dit-elle, où les sujets liés à l’immigration ont pris la place des sujets autour de l’égalité. « On a des relents de pétainisme », regrette Dominique Sopo, président de SOS Racisme, interrogé par nos confrères de France Inter.

 

Nadir Dendoune