Asma Niang rêve toujours de Jeux Olympiques

 Asma Niang rêve toujours de Jeux Olympiques

crédit photo : Sami Zram

Rien ne prédestinait Asma Niang à fouler les tatamis. Mais la judokate, qui a suivi un parcours hors des sentiers battus dans le sport de haut niveau, fait aujourd’hui partie du Top 14 mondial et a déjà réalisé un de ses rêves : participer aux JO. 

 

Les années ne semblent pas avoir d’emprise sur Asma  Niang. Lors de son entraînement quotidien au Caps Gym de Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), elle retourne à la tâche avec une motivation et une rigueur sans faille. A 36 ans, elle soulève des barres pour se renforcer, effectue des déplacements dans une échelle au sol et consolide sa musculature. Une abnégation qu’il faut lui reconnaître tant son parcours ne la prédestinait pas au judo de haut niveau.

Née d’un père peul d’origine sénégalaise et d’une mère marocaine d’Oujda, elle grandit à Mohammedia, près de Casablanca, jusqu’à 11 ans. Dans la tête de la petite Asma, naît alors une passion folle. “Depuis mes 6 ans, je ne rêve que de Jeux olympiques, raconte-t-elle. Ça a commencé avec Atlanta (en 1996, ndlr) et je n’en ai pas raté depuis. Je pensais que c’était un métier. A l’école, je dessinais tout le temps des anneaux. Je suivais surtout l’athlétisme. Je voulais faire un 100 mètres en finale olympique.”

Cette obsession pour la plus prestigieuse des compétitions va régir sa vie et sa destinée. Arrivée en France à Noisy-le-Grand dans les bagages de sa mère, elle se consacre à fond au sport. Elle commence par l’athlétisme mais c’est un échec. Asma Niang se tourne alors vers le handball et devient championne de France des moins de 18 ans avec son club de Noisy-le-Grand. Elle enchaîne alors des études pour un brevet d’Etat d’éducateur sportif.

Elle cherche pourtant toujours sa vocation. Le déclic survient à 20 ans en entrant dans un dojo. “Au départ, rien ne me plaisait dans le judo, explique Asma, avec un sourire malicieux. Je détestais l’odeur du dojo. C’est surtout un entraîneur qui a su m’orienter dans ce sport et me dire que je pouvais y faire une belle carrière. Il m’a laissé entendre que c’était encore possible. Finalement, j’y ai cru et ça a marché.”

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Pompier de Paris et athlète

S’entraînant avec passion, elle commence à 21 ans une carrière chez les sapeurs-pompiers de Paris. “Un major m’a indiqué que les filles étaient les bienvenues. Pour lui, le métier consistait à sauver des vies et à faire du sport. Je me disais que si je ne pouvais pas faire les Jeux, je serais comblé par ce métier extraordinaire.”

Elle y reste presque dix ans et mûrit dans cet univers de caserne où “l’on voit des choses pas agréables mais où l’on apprend la discipline”. “Je suis entré chez les pompiers, j’étais une jeune fille, poursuit-elle. J’en suis sortie femme. Je l’ai pris comme un jeu. J’adore ça. C’est mon côté Peter Pan qui m’a aidé dans ce métier.”

Sa progression dans le judo reste toutefois difficile, son métier étant trop chronophage. En 2012, le rêve olympique – “un rêve de petite fille” – reprend le dessus et Asma Niang décide de s’y consacrer à fond. “Tout le monde me l’a déconseillé mais j’y croyais à 200 %. C’est vrai que je suis une autodidacte. Je ne suis pas passée par la case minime, junior, etc. Ce n’est pas dans les habitudes du sport de haut niveau.”

En 2012, peu après les Jeux olympiques de Londres, elle obtient à 29 ans la nationalité marocaine et porte dorénavant les couleurs du Royaume. “Grâce au Maroc, je vis mon rêve. C’est la plus belle décision que j’ai jamais prise de ma vie. Ça s’est fait comme ça. Au lieu de se poser des questions, il faut accepter les évidences. Ma maman est marocaine et je suis fière de représenter mon pays.”

Dès lors, elle obtient le plus beau palmarès du judo marocain. Elle fait soulever la bannière vert et rouge dans un grand prix relevé à Düsseldorf en Allemagne, alors même que l’organisation n’avait prévu ni drapeau ni hymne marocain pour la cérémonie. Elle enchaîne les victoires et les médailles : championne d’Afrique, médaille d’or des Jeux panarabes et huit autres lors de grands prix, 3e dans un grand chelem, deux fois demi-finaliste aux championnats du monde… Elle se hisse dans le Top 14 mondial du Judo, catégorie moins de 70 kg.

En 2016, vient la consécration. Elle comble sa quête en atteignant “l’inaccessible étoile”, que chantait Jacques Brel. Direction le Brésil, pour les Jeux de Rio. Elle en garde bizarrement un souvenir mitigé. “Depuis toute petite, j’avais tellement imaginé ces Jeux, j’en avais des étoiles plein les yeux. Etre dans la délégation marocaine, se retrouver près d’Usain Bolt, Novak Djokovic ou Rafael Nadal, c’était une consécration. Le feu d’artifice, c’était surtout d’y être surtout.”

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 “Mettre en place des sports-études au Maroc”

La compétition lui laisse un souvenir amer. Elle perd au premier tour face à la Brésilienne Maria Portela. “Je me suis mis la pression toute seule, explique la judokate. Je n’étais pas assez préparée mentalement et faisais face à une locale. Je fais alors un gros combat et perds sur une sanction. Je n’ai pas de regret mais je sais que j’aurais dû prendre la compétition de façon plus détendue.”

Après les JO, elle veut abandonner la compétition et se donne un an pour terminer quelques tournois. Finalement, l’envie revient avec la préparation physique. “A 36 ans, pour éviter les blessures, je fais attention à mon corps, nous relate Asma Niang. Je ne peux pas rester sur le côté du tapis, blessée. Pour progresser, il faut que je sois sur le tatami. Pour réussir, il faut quatre piliers : le physique, le mental, la technique et la tactique. J’améliore ma technique et ma tactique et renforce mes points forts que sont le mental et le physique.”

Asma Niang regarde sa montre. Après quelques étirements, elle débute une séance avec Orso, un géant de 16 ans déjà champion de France et qui ambitionne, lui aussi, de participer aux Jeux olympiques.

La nouvelle vie d’Asma est ainsi faite de préparatifs pour ses prochains Jeux ­(Tokyo 2020, ndlr) et son rôle de coach sportive pour des jeunes de l’équipe de France pleins d’avenir. “J’aime bien transmettre. Ça commence à bouger aussi au Maroc. J’espère que des locaux vont émerger. J’aimerais lancer un appel fort : il faut mettre en place des sports-études au Maroc pour sécuriser des parcours sportifs et améliorer les performances de nos athlètes”, explique celle qui se dit “fière de porter l’Afrique, avec un grand A”.

 

 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.