Tunisie : les capitales étrangères entre condamnation, expectative et mutisme

 Tunisie : les capitales étrangères entre condamnation, expectative et mutisme

Le président de la République tunisienne Kais Saied a entre autre limogé le Premier ministre Hichem Mechichi. STRINGER / PRESIDENCE TUNISIENNE / AFP

Au lendemain des annonces surprises du président Kais Saied suspendant les institutions politiques à son profit, les chancelleries étrangères tardent étonnamment à réagir à ce qui s’apparente à un coup d’État en Tunisie. Tour d’horizon des réactions internationales alors que l’unique démocratie du monde arabe vacille.

 

Les voisins de la Tunisie inquiets

La Libye a été la première à réagir à ce qui s’apparente à un coup d’État en Tunisie sous couvert d’activation d’un article d’exception de la constitution. Dans la soirée, Khaled al-Michri, président du Haut Conseil d’État (chambre haute du parlement libyen), a dit refuser « tout coup d’État aux dépens des corps élus, et tout sabotage des processus démocratiques ». Il compare même la situation les évènements survenus le 25 juillet à Tunis avec le putsch de 2014 du général Haftar.

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Autre voisin préoccupé, Alger suit de près la situation en Tunisie. Le pays y fait en effet transiter une grande partie de son gaz vers l’Europe. La position officielle se fait attendre. Selon un tweet de la présidence algérienne, M. Saied s’est entretenu au téléphone avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune. Les deux présidents « ont échangé sur les derniers développements en Tunisie (…) sur les relations algéro-tunisiennes et les moyens de les renforcer », précise la présidence sans plus de détails.

Le principal parti islamiste en Algérie, le Mouvement de la société de la paix (MSP), a dénoncé dans un communiqué un « coup d’État contre la Constitution tunisienne et la volonté populaire de nos frères tunisiens exprimée lors des précédentes législatives ». Le MSP appelle le pouvoir algérien à « soutenir les institutions légitimes en Tunisie et à dénoncer le coup d’État ».

 

Condamnation turque et appel au calme qatari

De son côté, le ministère turc des Affaires étrangères se dit « profondément préoccupé par la suspension des activités du Parlement en Tunisie ». Ajoutant qu’il souhaite « le retour à la légitimité démocratique en Tunisie, le plus rapidement possible, selon les dispositions de la Constitution ». Une réaction policée de la diplomatie turque, contrastant avec le soutien affiché ces dernières années avec le parti islamiste Ennahdha, principal perdant de la soirée.

Le Qatar a appelé à « faire prévaloir la voix de la sagesse et à éviter toute escalade », dans un communiqué de son ministère des Affaires étrangères. Doha, également soutien traditionnel des islamistes tunisiens, espère que « la voie du dialogue sera adoptée pour sortir de cette crise ».

 

Étrange silence occidental

En revanche, silence du côté européen et américain. Seule Berlin avait réagi lundi après-midi. Le ministère allemand des Affaires étrangères « observe attentivement l’escalade de la violence de ces derniers jours et ces dernières semaines, ainsi que l’aggravation de la situation depuis hier ». Il est « maintenant important de revenir à l’ordre constitutionnel le plus rapidement possible », a déclaré Maria Adebahr, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

L’ambassade de France à Tunis, qui donne généralement le ton pour la posture européenne dans le pays, s’est contentée d’un simple appel à la vigilance à l’adresse de ses ressortissants. Évoquant que « des rassemblements ont eu lieu ces derniers jours et pourraient se poursuivre », Paris appelle les Français à « faire preuve de vigilance et de se tenir à l’écart des rassemblements ».

Une réaction bien légère au regard de la proximité historique des deux pays. À noter que ce « coup d’État constitutionnel » intervient quatre jours à peine après une visite éclair du secrétaire d’État français Jean-Baptiste Lemoyne dans le pays.

Rached Cherif