En Tunisie, l’UGTT entend rester un acteur socio-politique incontournable

 En Tunisie, l’UGTT entend rester un acteur socio-politique incontournable

Quelques milliers de personnes ont manifesté samedi à l’appel de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) devant le siège du chef du gouvernement à Tunis, Place de la Kasbah. Loin de rester cantonnés à des slogans syndicalistes ou ouvriers au sens strict, les militants de la puissante centrale syndicale ont brandi des slogans protestant essentiellement contre la détérioration de la situation sociale, économique, mais aussi politique en Tunisie.

Si l’on en croit la léthargie de la rue tunisienne ces deux dernières années post coup de force constitutionnel du pouvoir, la contestation sociale apparaît comme prise de torpeur et de passivité complice. C’était sans compter les milliers de personnes qui en manifestant samedi 2 mars au cœur de la capitale, à l’appel de l’UGTT, ont rappelé la nature fébrile du calme apparent qui règne dans le pays où la paix sociale ne saurait faire illusion.

D’envergure, la manifestation était aussi un test grandeur nature pour l’UGTT de Noureddine Taboubi à mobiliser encore, au moment où l’actuel régime a su jouer des divergences internes de la prestigieuse organisation nobélisée en 2015, traversée depuis 2021 par la défiance de divers clans plus enclins à collaborer avec Carthage.

La démonstration de force est néanmoins « trop tardive pour que le Palais soit réellement pressé de composer avec les syndicats », regrette une partie de l’opposition.

 

Contraindre la présidence de la République au dialogue

Avec une certaine assurance doublée d’une fermeté menaçante à demi-mot, le secrétaire général de de l’UGTT, Noureddine Taboubi, a dans son discours devant ses troupes déploré que « la situation économique et sociale ne cesse de s’aggraver », constatant « l’échec des décideurs à formuler des politiques et des choix nationaux ».

Taboubi a par ailleurs fustigé le fait que « le dialogue social et économique soit totalement bloqué aujourd’hui », estimant que la capacité de l’État à rembourser ses dettes extérieures en 2023 « s’est faite au détriment du peuple et de la rareté des produits de base », allusion à l’inflation galopante et à la persistance des pénuries alimentaires.

Il a également critiqué la soumission aux « diktats du Fonds monétaire international » quoi qu’en dise l’actuel pouvoir, aux dépens des Tunisiens. L’économie tunisienne est en effet quasiment à l’arrêt avec uniquement 0,4 % de croissance en 2023 et un taux de chômage qui atteint 16,4, selon les chiffres officiels de l’INS.

« Les droits économiques et sociaux sont le fondement de la véritable démocratie » ou encore « Défendre le dialogue social et le pouvoir d’achat », pouvait-on lire samedi sur des pancartes levées par les manifestants, démontrant une conscience politique certaine alors que le pays est aussi secoué par des tensions politiques depuis le coup de force par lequel le président Kais Saïed s’est octroyé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Si l’État tunisien met un point d’honneur à rembourser ses dettes qui atteignent 80 % du PIB, il manque de liquidités pour procurer à la population suffisamment de produits de base, ce qui l’a contraint à emprunter récemment « à titre exceptionnel » auprès de la Banque centrale. Un cercle vicieux qui pourrait générer à terme davantage encore de dynamique inflationniste.

Seif Soudani