Les nouvelles croisades

 Les nouvelles croisades

crédit photo :Cheriss May/Nur Photo/AFP


Ce fut une actualité incroyable, saupoudrée de cynisme, d’enfumage et de mépris pour tout le monde. Un président amé­ricain, ouvertement islamophobe, qui décide de fermer les frontières de son pays aux ressortissants musulmans dès son ­investiture, et qui trouve encore le culot de se rendre à La Mecque, le 20 mai dernier, pour “transmettre un message d’amitié, d’amour et d’espoir aux pays de l’islam” !


Même si elle n’émeut pas les médias ­occidentaux, cette infamie est assumée par tous les médias, y compris ceux du monde arabe, qui esquissent une grimace en guise de sourire pour applaudir à l’arrivée du “messie” américain. De ce côté-là, rien que du déjà-vu. En revanche, le déchaînement des masses sur les réseaux sociaux montre que la farce ne passe pas.


L’image d’un Trump, flanqué de son épouse, plastronnant dans le palais fastueux des Al-Saoud, récoltant au passage 380 milliards de dollars dans un pays au bord du gouffre – et dans une région où la famine, conséquence des guerres déclenchées par l’Amérique a déjà décimé des pans entiers de populations musulmanes – a provoqué l’ire des internautes du monde arabo-musulman. Les uns s’en prenant au clan des Al-Saoud et divers ­wahhabites, qui sont derrière le malheur du monde musulman ; les autres décryptant le nouveau visage des croisades de l’Oncle Sam ; et les derniers, dans un humour macabre, exhortant “les femmes arabes à faire la grève du sexe pour que d’ici peu, il n’existe plus un seul Arabe sur terre” !


 


Hécatombe à l’horizon


Cerise sur le gâteau, juste après, Trump a donné son blanc-seing (et l’argent qu’il faut avec) à Israël pour que l’Etat hébreu continue à exterminer les Palestiniens dans une politique d’apartheid. La plupart des présidents américains, y compris Obama, ont été exaspérés par l’insolence des lobbies israéliens. Mais il semble que le nouveau locataire de la Maison Blanche n’objectera pas à la poursuite de la destruction israélienne de Gaza, aux implantations dans les territoires occupés et surtout aux attaques contre l’Iran qu’appellent de tous leurs vœux les faucons du Likoud.


C’est le Washington Post qui a le mieux décrit l’hécatombe qui se profile à l’horizon : “Si Trump continue sur cette voie, ce sera une tragédie aux proportions colossales. L’histoire lui a fourni une occasion fantastique pour envoyer un signal positif à une ­région interdite d’espoir. Et il pouvait le faire sans mettre en péril les alliances établies, ni entraîner les Etats-Unis dans un nouveau bourbier interventionniste.”


Ce qui a provoqué l’ire des populations arabes, c’est l’arrogance d’un président américain, qui pousse l’outrecuidance jusqu’à venir exalter les bienfaits civilisateurs de l’Oncle Sam sur les terres sacrées de l’Islam. Exit le fascisme, l’islamophobie, les guerres de Reagan, les raids de Bush contre des pays musulmans et leurs millions de morts. Le monde arabe n’a pas encore pansé ses blessures que le nouveau président américain lui promet une nouvelle guerre fratricide entre chiites et sunnites. Un massacre qui apparenterait le drame syrien à une promenade de santé.


Comble du cynisme, c’est qu’il n’a eu ­aucun scrupule à demander aux pays arabes de financer leur propre suicide. Ces nouvelles croisades sont avant tout une ­insulte à l’intelligence des populations ­arabo-musulmanes. 


MAGAZINE JUILLET AOUT 2017

Abdelatif Elazizi