En Tunisie, la grève des magistrats paralyse la justice

 En Tunisie, la grève des magistrats paralyse la justice

A l’appel notamment de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), la plus grande organisation syndicale des magistrats du pays, environ 90% d’entre eux font grève mercredi 9 et jeudi 10 février, d’après une source syndicale.

« Un succès » dont se félicite le syndicat qui promet d’autres représailles les jours suivants contre la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par le président Saïed. Le président de l’Association tunisienne des jeunes magistrats (ATJM), Mourad Massaoudi, a pour sa part également salué « le succès historique » de la grève organisée le 9 février 2022 dans l’ensemble des tribunaux tunisiens.

Un sit-in devant le siège du CSM sera organisé demain jeudi à l’initiative de l’AMT, suivi d’une assemblée générale, samedi, pour décider de la marche à suivre dans les prochains jours.

 

Bras de fer et possible escalade

« Cette grève se poursuivra. Nous envisageons par ailleurs de recourir à d’autres mesures au-delà des prochaines 48 heures… Une démission collective reste toutefois envisageable […]. On m’accuse moi et d’autres confrères d’être proches du mouvement Ennahdha et de Noureddine Bhiri. Or, je rappelle que nous avons été les premiers à le poursuivre en justice. Nous défendons les droits des citoyens. Il s’agit d’une question de principe », renchérit Massaoudi.

Le jeune magistrat a en outre réitéré que le président de la République Kais Saïed ne dispose pas des prérogatives constitutionnelles l’autorisant à dissoudre le CSM. Il a indiqué à ce titre que l’ATJM avait décidé de saisir le Rapporteur spécial onusien sur l’indépendance des juges et des avocats à Genève, ainsi que l’Union internationale des magistrats.

Des témoignages relayés par le web tunisien montrent une suspension quasi complète et de gros cafouillages dans les rares tribunaux qui opéraient encore ce mercredi. Parmi elles, le report de plus d’une trentaine d’affaires au sein du tribunal de première instance de Tataouine au 16 et au 23 février prochains, soit jusqu’à deux semaines d’ajournement.

 

Enjeux et dessous idéologiques

Au même moment, à l’occasion d’une conférence de presse du comité de défense des martyrs de la gauche nationaliste Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, l’avocat Abdennaceur Aouini a affirmé que « le président du CSM, Youssef Bouzakher, avait voté contre la levée de l’immunité de Béchir Akremi », magistrat suspecté de proximité avec les milieux conservateurs.

L’avocat Koutheir Bouallegue a pour sa part rappelé que le président du CSM avait ordonné au procureur général le rejet de la demande du ministre de la Justice de mener une enquête au sujet de l’appareil secret du mouvement Ennahdha.

En fin d’après-midi, le parti islamiste a tenu à son tour une conférence de presse pour récuser toute ingérence judiciaire par le passé dans ces dossiers, promettant de « ne plus se laisser diffamer à l’avenir ».

 

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Point de vue – Tunisie. « Lisez Montesquieu », dit-il

 

Seif Soudani