Football. La reconquête

 Football. La reconquête

Les Lions de l’Atlas célèbrent leur victoire face aux Espagnols, au stade Education City à Al-Rayyan, à l’ouest de Doha, le 6 décembre 2022. JAVIER SORIANO / AFP

Ils sont beaux, ils sont jeunes, ils sont arabes, berbères, rifains, franco-marocains, de bons fils du peuple, qui ont bien mérité leur surnom de Lions de l’Atlas. Tout au long de l’histoire, la figure du lion était associée à sa nature royale et impérieuse. En tant que roi des animaux , un lion était censé transmettre courage, puissance et force. L’exploit historique des Lions de l’Atlas, qualifiés pour la première fois de leur histoire en quarts de finale de la Coupe du monde 2022, vainqueurs de l’Espagne à l’issue des tirs au but, rappelle ces qualités majeures.

 

Je ne porte pas tellement ce sport dans mon cœur, « l’opium du peuple » est trop addictif pour que la méfiance envers ces rassemblements de foule disparaisse subitement, mais j’avoue comme beaucoup de Marocains, d’Algériens, d’Africains, d’Arabes, de Palestiniens n’avoir pas pu résister aux tsunamis de liesse qui ont submergé les populations dans les pays du Sud. N’épargnant ni rois, ni chefs d’État, ni vedettes.

Bien sûr, nous n’avons pas libéré la Palestine, nous n’avons pas repris nos territoires occupés de Sebta et Mellilia, c’est certain que l’Occident continue de piller nos richesses, mais il y avait du bonheur à regarder ces jeunes joueurs redonner de la joie à des populations dépitées par l’hégémonie sportive des anciens colons. 

On ne reviendra pas sur les détails d’une victoire due autant à la rage de vaincre des joueurs qu’à la ténacité d’un type exceptionnel, le coach de l’équipe nationale. Il fait partie des meilleurs joueurs du monde, devenu entraîneur des Lions de l’Atlas, c’est désormais une étoile dans ce Mondial. 

>> A lire aussi : Walid Regragui, le sélectionneur qui tombe à pic

Quelle place a Walid Regragui dans cette sélection et les résultats satisfaisants de l’équipe nationale ? Un poids Considérable. La bonne humeur, la bienveillance et la préparation minutieuse du personnage sont saluées partout, il passe tout son temps avec ses troupes qu’il prépare merveilleusement. Résultat, au final, tout est calibré, anticipé, il n’y a aucune improvisation. Il lui suffit de quelques minutes pour renverser une situation. 

Bref, avec ce mondial, nous sommes à la fois dans le passé et dans le présent en attendant ce futur qui ne saurait tarder. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer ces supporters anglais, tentant de s’infiltrer dans un stade, habillés en croisés, des épées factices à la main, on a eu aussi la rage des équipes allemandes de passer outre les interdictions de porter brassards aux couleurs LGBT, comme on a remarqué le dépit affiché des supporters européens de ne pas trouver d’alcool à proximité des stades, quant à l’hystérie des commentateurs sportifs occidentaux face aux appels à la prière des muezzins, le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle frisait le ridicule !  

A la veille du match Maroc-Espagne, le grand quotidien espagnol El Pais s’indignait du fait que l’Espagne, grand favori de la Coupe du monde, équipe aguerrie et nation du football allait s’affronter à une équipe du tiers-monde, de ces Marocains, africains sans profondeur. Ce n’est pas pour rien qu’un club de foot célèbre, portugaisn s’est fait appeler Vasco de Gama, du nom de ce criminel notoire qui n’hésita pas d’ailleurs à couler un navire avec à bord des centaines de pèlerins musulmans qui revenaient de La Mecque. A l’époque où la haine de l’islam était très puissante faisait rêvait les croisés d’éradiquer la religion musulmane après avoir détruit La Mecque et Médine et repris Jérusalem.

Certes, le monde ne sera plus comme avant après ce mondial mais il faut bien se garder d’angélisme; en tant que journalistes, nous observons les tendances, pour comprendre, en restant producteurs d’info, tout en essayant de faciliter la compréhension d’un monde de plus en plus complexe. 

L’Amérique qui conduit désormais l’Occident au pas de charge et l’Europe à la baguette n’a pas baissé la garde bien au contraire, l’Oncle Sam ne connait que la force pour mâter le monde. Le Vietnam n’a pas servi de leçon, bien au contraire, l’enlisement des États-Unis en Somalie, puis en Afghanistan, et le bourbier Irakien et ensuite la débandade de Kaboul en 2021.  

Chez nos ennemis d’hier, ce n’était pas encore la panique mais il semble que déjà̀ une peur sourde gagne le monde occidental. Alors, si le foot est devenu la continuation de la guerre par d’autres moyens, tant mieux, même s’il est regrettable qu’au XXIe siècle l’Amérique continue de penser que nous ne puissions résoudre les tensions politiques qu’au moyen d’une guerre.

Dans cette nouvelle configuration, le Maroc, petit pays africain aux grandes ambitions internationales, hier empire territorial et aujourd’hui, spécialiste du soft power sera appelé à jouer un rôle incontournable, lorsque ce mondial sera terminé, pour une réconciliation avec cette partie du camp occidental qui ne veut pas de cette guerre entre le Nord et le Sud. 

Signe des temps, l’Amérique ne fait plus la pluie et le beau temps, elle a beau sommer les Arabes, les Africains de s’aligner sur sa guerre avec Moscou par Ukraine interposée, elle ne trouve pas d’écho chez ces pays qui ne veulent plus avoir à choisir entre deux camps.

Évidemment, il y aura des blessures à soigner entre les uns et les autres pendant des décennies. La rupture avec le passé est relative à la conception que se font désormais les Arabes de l’anti-impérialisme où, le rejet de l’Occident restant dominant, on comprend tout de suite pourquoi la colonisation israélienne cristallise ce rejet comme en témoigne la levée du drapeau palestinien à chaque victoire d’une équipe arabe, qui a connu son summum avec la victoire du Maroc contre l’Espagne, où on peut ajouter la blessure de l’Andalousie qui n’a jamais été totalement pansée entre ces deux pays qui se regardent en chiens de faïence malgré cette réconciliation de façade. Il n’y a qu’à observer la profusion de vidéos évoquant l’Andalousie ou le chef de guerre Tarek Ibn Ziyad pour s’en convaincre. 

L’Occident doit accepter de reconnaître qu’il n’est plus le centre du monde et respecter la montée en puissance du reste du monde. Surtout que la revanche de l’histoire surgit d’autant plus qu’on s’y attend le moins.

 

>> A lire aussi : Le Maroc en quarts de finale après une victoire sur l’Espagne

Abdellatif El Azizi