Walid Regragui, le sélectionneur qui tombe à pic

 Walid Regragui, le sélectionneur qui tombe à pic

Le coach marocain Walid Regragui, balancé en l’air par les joueurs après que l’équipe marocaine de football a remporté le match du groupe F de la Coupe du monde Qatar 2022 contre le Canada, au stade Al-Thumama de Doha le 1er décembre 2022. Miguel MEDINA / AFP

Les supporters des Lions de l’Atlas ont attendu 36 ans pour enfin regoûter à une qualification en huitième de finale de la Coupe du monde après l’épopée de 1986. Une joie immense pour tout un peuple mais pas que. Aujourd’hui c’est le Maghreb et l’ensemble de l’Afrique qui sera derrière l’équipe marocaine avec l’espoir de les voir battre l’Espagne à 16h, pour atteindre les quarts de finale. Un rêve qui n’aurait pas été possible sans un homme, Walid Regragui, nommé sélectionneur quelques mois avant le début de la compétition et qui a réussi à unir un groupe tout en proposant un football chatoyant. Portrait d’un homme qui pourrait bien nous surprendre aujourd’hui.

Par Thomas Goubin

 

C’était le candidat naturel. Alors que la Fédération marocaine cherchait à remplacer un Vahid Halilhodzic en rupture avec une partie de son groupe, elle a misé sur Walid Regragui, entraîneur tout juste auréolé d’un doublé Ligue des champions d’Afrique – champion du Maroc, conquis avec le Wydad Casablanca.

Le natif de Corbeil-Essonnes était au bon endroit au bon moment. C’est aussi la qualité de son CV qui a plaidé en sa faveur: un doublé cette année donc, un autre titre de Botola Pro1 acquis avec le FUS Rabat en 2016 et une expérience – déjà – avec les Lions de l’Atlas entre 2012 et 2013 comme adjoint de Rachid Taoussi. 

Tout cela fait dire à Khalid Sinouh, ancien coéquipier en sélection et ami de Walid Regragui, que ce dernier “est l’homme indiqué”. Pour devenir le candidat naturel, l’ex-latéral droit a dû cependant déjouer pas mal de pronostics.

Walid Regragui a évolué trois ans en Liga, le championnat espagnol, avec le Racing Santander et cumulé 45 sélections en équipe nationale. Il a pourtant débuté tardivement dans le foot professionnel. C’était à Toulouse, en 1999. Il avait 24 ans. Ce démarrage tardif aurait pu ne jamais se produire si Rudi Garcia, alors entraîneur de l’AS Corbeil-Essonnes, ne l’avait pas repéré au sein de l’équipe 3 du club.

Altruiste et généreux

Dans une interview donnée au magazine So Foot, en 2005, celui qui a grandi au sein de la cité Montconseil et poli son caractère et sa technique dans les tournois de quartiers du sud-est parisien, disait: “Pendant longtemps, j’ai préféré la cité au club. Je n’ai compris que plus tard que je pouvais peut-être réussir.” Regragui n’a jamais eu un esprit étriqué. 

“C’est quelqu’un toujours de bonne humeur, qui a beaucoup d’humour et qui s’intéresse aux autres”, dit de lui le Franco-Algérien Nassim Akrour, qui a côtoyé le Franco-Marocain pendant deux ans à Grenoble (2005-2007). “Il aimait la vie de groupe et prendre un café avec les coéquipiers. Dans le vestiaire, il donnait de la voix”, ajoute celui qui poursuit sa carrière, à 48 ans, au Chambéry SF (National 3), et qui, comme Walid Regragui, n’est pas passé par la case “centre de formation”.

Chez le nouveau sélectionneur du Maroc, on décèle encore aujourd’hui l’enthousiasme de l’autodidacte. La passion de celui qui s’est engouffré tardivement – presque accidentellement – dans la voie du professionnalisme, et qui en mesure la chance.

C’est armé de sa générosité que Walid Regragui s’est construit une solide carrière. “Walid, ce n’était pas le meilleur latéral droit mais il donnait toujours tout. Il jouait avec beaucoup de caractère”, résume Khalid Sinouh. Pas un hasard alors qu’on le retrouve acteur de grandes aventures collectives: première montée en Ligue 1 de l’AC Ajaccio en 2002 et ascension dans l’élite de Grenoble en 2008, qui ne fréquentait plus ce niveau depuis quarante-cinq ans. 

“Walid a une présence positive. C’est un joueur qui a réussi par le sérieux et sa régularité. Je ne me rappelle pas de mauvais matchs de sa part”, estime Rolland Courbis, son coach en Corse de 2001 à 2003.

“Quand il est arrivé à Grenoble (en 2007, ndlr) c’était un joueur avec de l’expérience, qui avait joué en Liga. Quelqu’un de toujours serein dans les moments importants et qui contribuait activement à la cohésion du groupe”, enchaîne Nassim Akrour.

A l’instar d’un Djamel Belmadi avec l’Algérie, joueur identifié pour son goût du sacrifice avant de devenir sélectionneur, Regragui peut faire valoir la force de l’exemple. Si lui a tout donné, il peut demander la même chose à ses joueurs. 

Sur l’image illustrant le profil WhatsApp de celui qui passait plus jeune toutes ses vacances d’été à Fnideq figure une table des commandements du footballeur. On peut y lire ceci: “Il est interdit d’être arrêté, de donner le ballon arrêté, de le recevoir arrêté.”

Une équipe multiculturelle

Walid Regragui n’est toutefois pas du genre à imposer. Franc mais pas cassant, il préfère convaincre. “Pour moi, le Maroc est la sélection la plus difficile à manager parce que certains joueurs sont nés en France, d’autres au Maroc, en Allemagne, en Hollande ou en Espagne. Leurs mentalités sont différentes”, estime Khalid Sinouh. “Mais Walid a connu beaucoup d’expériences et je pense qu’il saura s’adresser à chacun de ses joueurs.”

Khalid Sinouh pense au cas épineux du Néerlando-Marocain, Hakim Ziyech, dont Vahid Halilhodzic avait fini par se passer et que le nouveau sélectionneur a rappelé pour son premier match à la tête des Lions, face au Chili, le 23 septembre (2-0).

Sur le terrain aussi, Walid Regragui sait s’adapter. Marqué par son passage en Espagne (2004-2007), où la notion de plaisir se trouve au centre du jeu, l’ex-latéral n’a toutefois rien d’un idéaliste. Avec le Wydad Casablanca, il lui a même été reproché à l’occasion d’un peu trop “fermer la boutique”.

Celui qui a été sacré champion du Qatar en 2020 avec Al-Duhail, est prêt, au besoin, à sacrifier le résultat du samedi suivant pour mieux envisager le futur. Au FUS, il a ainsi mis la formation au centre de son projet – à contre-pied des habitudes des cadors de la Botola – et n’a pas hésité à faire confiance dans la durée au jeune Nayef Aguerd. Certaines erreurs du joueur avaient coûté des points, mais le défenseur central évolue aujourd’hui à West Ham, en Premier League, et est titulaire en sélection.

Walid Regragui a un œil, une méthode et sait mobiliser ses troupes. Si sa carrière de joueur a tenu à un fil, qu’il l’ait poursuivie comme entraîneur n’a pas étonné grand monde. Surtout pas Rolland Courbis. “J’ai eu un joueur comme Zidane et jamais je n’aurais pensé qu’il devienne entraîneur. Encore moins qu’il aimerait ça. Walid, c’est l’inverse. J’aurais été surpris s’il n’avait pas été entraîneur. Déjà, dans sa façon de réfléchir, de s’adresser à ses coéquipiers, on sentait qu’il était fait pour ça.” Regragui ressemble bien à l’homme indiqué.

 

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La rédaction