France/Afrique. Le grand malentendu

 France/Afrique. Le grand malentendu

Ouagadougou – 25 janvier 2022. Manifestation anti-France., pro-russe (drapeau russe) OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

« Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt », dans ces colonnes et à plusieurs reprises, nous avions mis en garde l’exécutif français sur son aveuglement face aux échos inquiétants qui remontent des capitales africaines par rapport aux relations avec l’Hexagone. Quand un pays comme le Burkina Faso demande officiellement à la France la tête de l’ambassadeur français à Ouagadougou, Luc Hallade, comment ne pas voir dans le courrier du ministère des Affaires étrangères du Burkina à son homologue français un nouveau signe de la détérioration des relations entre les deux pays ?

 

Bien sûr, tout le monde sait qu’un ambassadeur désigné comme un intermédiaire qui « ne serait plus un interlocuteur fiable » c’est toujours l’arbre qui cache la forêt. Or la forêt qui dépasse bien le sort d’un diplomate incompétent est de plus en plus touffue depuis la prise du pouvoir par Ibrahim Traoré, en septembre 2022Un changement qui a donné lieu à l’époque à plusieurs manifestations anti-françaises dans le pays.

Au cœur des reproches, se trouve en bonne place la présence des troupes spéciales françaises au Burkina, dont certains manifestants exigeaient le départ. Mais pour la première fois, on voit ressurgir des récriminations concernant le passé colonial. Preuve que la question des relations avec l’Occident, ancien bastion des colons est une réalité. Le 23 décembre, le gouvernement déclarait également « persona non grata » la coordinatrice de l’ONU, l’Italienne Barbara Manzi.

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Le Burkina Faso n’est pas le seul pays africain à prendre en grippe l’Hexagone. Avant cette nation, le Mali avait expulsé un haut responsable de l’ONU, le porte-parole de la Mission au Mali, Olivier Salgado, alors que des manifestations anti-françaises sont régulièrement organisées, même après le retrait complet des troupes françaises de Barkhane. 

Là où le bât blesse, c’est que le Quai d’Orsay qui a décidé de rappeler l’ambassadeur de France à Ouagadougou pour son échec à renouer avec le pouvoir, met toujours la responsabilité du sentiment anti-français sur le dos de l’activisme des Russes sur le continent. 

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Or, dans plusieurs pays africains dont le Ghana, si la présence de la société militaire privée Wagner, est bien une réalité, donner à ces mercenaires russes autant d’importance dans la dégradations des relations entre la France et ses anciennes colonies relève beaucoup plus d’allégations sans fondements que d’une quelconque vérité.

En réalité, par rapport à l’Afrique, le dispositif diplomatique français comme la pensée politique qui le sous-tend répondent à des schémas éculés exacerbés par cette supercherie « du en même temps » si chère à Macron. 

Dernier exemple en date, le Maroc et l’Algérie : pour ménager la chèvre et le chou, Paris souffle le chaud et le froid, une fois à Alger, une autre fois à Rabat, se contentant de défendre ses intérêts les plus étroits quand les deux pays demandent, quant à eux, une position claire de l’Hexagone aussi bien sur la question du Sahara marocain pour le royaume que la question mémorielle revendiquée par les Algériens.

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Finalement, si la France voulait vraiment revoir ses liens avec l’Afrique, il lui suffirait de tourner le dos aux arguties de ces avocats du diable qui continuent à vouloir le beurre des richesses naturelles de l’Afrique et l’argent du beurre de la soumission de ses populations sans se soucier guère de vérité, de justesse et de justice dans les échanges entre le Nord et le Sud. 

Or la véritéé du monde n’est pas affaire de politicards talentueux corrompus et retors, mais de conseils avisés d’intellectuels, de penseurs, de philosophes qui n’ont aucun intérêt personnel dans ce débat. Abraham Lincoln l’a si bien résumé « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ».

Abdellatif El Azizi