Edito – Burkina Faso. L’Afrique chasse la France

 Edito – Burkina Faso. L’Afrique chasse la France

Manifestation anti-France à Ouagadougou au Burkina Faso, le 19 février 2022. OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

La presse française aura beau clamer qu’en « Afrique, la Russie chasse la France », le fait est là : les populations africaines n’hésitent plus à se révolter contre la présence française sur leur territoire, comme ce qui s’est passé ce weekend au Burkina Faso où le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, accusé d’avoir été placé au pouvoir par la France à l’issue d’un coup d’Etat a finalement accepté de démissionner ce dimanche 2 octobre.

 

Il a été remplacé par un nouveau chef autoproclamé, le capitaine Ibrahim Traoré qui a appelé la population à cesser les actes « de violence et de vandalisme » contre la France. Pour rappel, l’Institut français de Ouagadougou qui a été attaqué samedi par des manifestants hostiles à la France a subi « de graves dommages » selon le témoignage de journalistes locaux.

Un scénario qui rappelle celui du Mali où le président Ibrahim Boubacar Keïta, proche de Paris fut renversé le 18 août 2020, avant que la junte ne prenne définitivement la main le 24 mai 2021. Radio Canada titrait alors « la France quitte le Mali dans l’opprobre » et les déclarations enflammées des deux côtés vont confirmer une rupture totale. Bamako, avait notamment reproché au président français « une posture néocoloniale », selon l’expression du porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, l’accusant d’attiser les haines ethniques par ses critiques contre l’armée malienne.

C’est en cascade que les pays africains se soulèvent aujourd’hui contre la France, le Niger, aussi le Cameroun, sans oublier la Centrafrique. A qui la faute ? Au gouvernail de la France, Macron aura fait plus de mal aux relations diplomatiques de l’Hexagone avec l’Afrique que Hollande et Sarkozy réunis bien qu’ils partagent la théorie d’un « homme africain qui n’est pas encore rentré dans l’histoire ».

La France reçoit donc en pleine figure le cadeau empoisonné des brassées de chimères servies aux Africains, ponctuées de leçons où l’arrogance et le mépris étaient de mise. Agitant tantôt le totem séculaire d’un continent qui devrait prendre sa destinée en main, tantôt expédié quelques fusées sur les dirigeants corrompus sans les désigner et sans préciser que c’est la France qui leur a permis de prendre le pouvoir. Mais c’est en attendant, le grand roman de la politique étrangère qui ne viendra jamais qu’on se rend compte de l’inculture de ce président qui trône depuis, sur la monarchie républicaine.

L’attitude du fort en thème qui se croit toujours en pleine gloire médiatique, victime d’une ambition longtemps macérée ne sait pas qu’un politicien endosse l’habit de l’homme d’État quand il oublie ce qu’il fut pour se mettre au service de la nation. Et être au service de la nation, c’est oublier ses petites querelles personnelles pour s’accorder avec la raison d’Etat.

Or si l’on s’en tient au programme diplomatique de Macron, on peut craindre le pire. L’homme respire toujours la vaine illusion d’une croissance venue d’ailleurs, arrachée aux pays africains, alors que la France vient d’être dépouillée de ce monopole séculaire d’influence dans ce continent. Avec, en termes d’image, celle d’une France vieillie, affaiblie, surendettée, désarticulée.

Le grand problème, plutôt pathétique, de Macron, c’est d’être indigne de son destin. Loin des sérails parisiens, ce destin qui aurait dû lui dicter de renverser  le cours de l’Histoire des rapports entre l’Afrique et l’ancienne métropole pour aller vers des relations apaisées.

Mais depuis la bourde d’Emmanuel Macron au cours du G20 en 2017 où il avait déclaré sans ciller : « Quand des pays ont encore aujourd’hui 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien », rien ne va plus entre Paris et les Africains.

 

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Abdellatif El Azizi