Il y a vingt ans, le discours vibrant de Dominique de Villepin à l’ONU contre la guerre en Irak

 Il y a vingt ans, le discours vibrant de Dominique de Villepin à l’ONU contre la guerre en Irak

Le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin s’adresse au Conseil de sécurité des Nations unies pour s’opposer, au nom de la France, à une intervention armée en Irak, le 14 février 2003 à l’ONU à New York. HENNY RAY ABRAMS / AFP

Le 14 février 2003, dans un discours vibrant de 15 minutes à l’ONU, Dominique De Villepin, le ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, s’oppose brillamment au nom de la France aux projets guerriers des Etats-Unis en Irak.

« Saddam Hussein et ses fils doivent quitter l’Irak dans les 48 heures ». L’ultimatum est lancé par le président des États-Unis George Bush le 18 mars 2003 au dictateur irakien. Deux jours plus tard, 250 000 GI et 45 000 soldats britanniques déferlent sur l’Irak à la tête d’une coalition internationale. Mais, sans mandat de l’ONU.

Un discours devant les Nations unies de Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires Etrangères du président Chirac, exprimant le refus de la France de se joindre à une intervention militaire en Irak, convainc le Conseil de sécurité de ne pas voter en faveur du recours à la force.

Le discours du 14 février 2003 s’inscrit alors dans une lente montée des tensions entre les pro et anti-guerre qui démarre à l’été 2002 avec le vote de la résolution 1441 du Conseil de sécurité. Celle-ci vise à rechercher les moyens pacifiques, à travers une communauté internationale unie, pour organiser des inspections sur place et essayer de régler les incertitudes concernant l’Irak. Le vote de cette résolution permet aux inspections de commencer leurs travaux au début de l’année 2003.

Les attentats du World Trade Center

Deux ans auparavant, le 11 septembre 2001, à New-York, près de 3000 personnes meurent dans l’un des pires attentas terroristes qu’à connu les Etats-Unis. La riposte ne se fait pas attendre. Le 7 octobre, une cinquantaine de missiles Tomahawk, provenant de bateaux américains et anglais, s’abat sur des infrastructures talibanes. Mais l’Afghanistan ne suffit pas aux faucons américains. Le président des États-Unis Georges W. Bush demande à ses conseillers de vérifier l’implication de Saddam Hussein dans les attentats du World Trade Center.

En février 2003, pour justifier l’imminence d’une guerre en Irak, le secrétaire d’Etat américain Colin Powell monte à la tribune de l’ONU et expose, pendant plus d’une heure, les menaces que représenterait l’Irak pour le monde, dont la présence supposée d’armes de destruction massive et d’armes bactériologiques.

Colin Powell présente alors des photos satellites, évoque des prototypes de laboratoires mobiles spécialisés dans la recherche biologique, des bunkers, des usines d’armes chimiques. Il diffuse l’enregistrement d’une conversation entre des officiers irakiens qui parlent « d’agents neurotoxiques ». Le secrétaire d’Etat brandit même une fiole d’anthrax, une maladie infectieuse très grave, affirmant que l’Irak développe la substance comme arme de guerre.

Alors ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin s’adresse à son tour à l’ONU pour s’opposer au nom de la France à une intervention armée en Irak. « Vous savez le prix que la France attache, depuis l’origine de la crise iraquienne, à l’unité du Conseil de Sécurité. (…) Nous poursuivons ensemble l’objectif d’un désarmement effectif de l’Iraq. Nous avons en ce domaine une obligation de résultat. Ne mettons pas en doute notre engagement commun en ce sens. Nous assumons collectivement cette lourde responsabilité qui ne doit laisser place ni aux arrière-pensées ni aux procès d’intention. Soyons clairs : aucun d’entre nous n’éprouve la moindre complaisance à l’égard de Saddam Hussein et du régime iraquien », commence ainsi Dominique De Villepin.

Mais c’est surtout la fin du discours du ministre des Affaires étrangères français qui entre dans l’Histoire. « Dans ce temple des Nations unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une conscience. La lourde responsabilité et l’immense honneur qui sont les nôtres doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement dans la paix. Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie. Un pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs. Et qui pourtant n’a cessé de se tenir debout face à l’Histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur », conclut magnifiquement Dominique De Villepin.

Un discours puissant longuement applaudi par une large partie de l’assistance présente, dans une enceinte où il est pourtant interdit de le faire. Un discours visionnaire qui malheureusement n’empêchera pas la guerre. La « guerre préventive » américaine est lancée en mars 2003, sans approbation de l’ONU. L’armée irakienne est défaite et Saddam Hussein, exécuté en 2006. On compte environ 100 000 morts côté irakien.

Pendant la guerre en Irak, l’ONU mène des investigations et ne trouve pas trace des armes de destruction massive dénoncées. Au contraire, les enquêtes sur place prouvent l’abandon du développement d’une arme nucléaire irakienne.

Nadir Dendoune