Nouvelle expulsion arbitraire à l’aéroport de Tel Aviv

 Nouvelle expulsion arbitraire à l’aéroport de Tel Aviv

Celoua Agnel en 2013


 


Celoua Agnel comptait rester cinq jours en Israël, mais les douaniers en ont décidé autrement. Pour pas changer : ils ont expulsé en toute impunité un ressortissant français. Celoua, 31 ans, casier ultra-méga vierge, « jamais eu affaire à la police de ma vie », précise-t-elle, n’en revient toujours pas. Le motif de son expulsion : « Ils m’ont simplement dit que c’était pour des raisons de sécurité sans me fournir d’autres explications », explique calmement cette maman d’une petite fille de 5 mois, originaire de Marseille. Celoua n’en saura donc pas plus. 


 


 


Tout commence ce vendredi 5 juin en fin d’après-midi, quand la trentenaire quitte Marseille pour Tel Aviv, via Bruxelles, avec son mari. Maire adjoint à Martigues, Loic Agnel doit venir rencontrer une association de Bethlehem avec laquelle sa ville a un partenariat. 


Le couple arrive à l’aéroport Ben Gourion à 4h30 du matin, le lendemain, le samedi donc. C’est le quatrième voyage en Israël de Celoua. Elle connaît de fait le sort que la douane israélienne réserve aux « Arabes ». Elle s’attend à être gardée un peu. « J’étais plutôt sereine. Les autres fois, j’ai attendu quelques heures mais j’ai toujours eu mon visa. Je suis Française, mais comme mes parents sont du Maroc, je sais qu’il va falloir que je me soumette à un interrogatoire. C’est la règle ici. Nous n’avons pas le choix, alors on s’y plie », dit-t-elle, un brin philosophe.


Alors que son mari, « Français sans origine apparente », obtient son visa en un clin d’oeil, Celoua doit attendre dans une pièce un peu à l’écart afin que son « cas » soit examiné. Le temps passe. En cinq heures, elle  sera interrogée à trois reprises. « Ils voulaient savoir ce que je venais faire en Israël. Je leur ai expliqué que j’accompagnais mon mari  qui doit rencontrer une association à Bethlehem et qu’on comptait par la suite se balader à Jérusalem », relate Celoua.


Des explications pas du tout convaincantes pour les douaniers qui la convoquent une quatrième fois pour lui indiquer qu’elle n’aura pas son visa cette fois-ci et qu’elle est expulsée d’Israël. « Ils m’ont crié dessus en me disant qu’ils ne croyaient pas à mon histoire et que j’étais une menace pour Israël », raconte dépitée Celoua, qui s’est vue notifier en plus une interdiction de territoire de 10 ans. « J’en reviens toujours pas. Moi, une menace ? », questionne-t-elle. « Je n’ai absolument rien à me reprocher. Si au moins, je pouvais connaître les raisons de mon expulsion », lâche indignée Celoua.  


Son mari Loic est, lui, libre d’entrer en Israël… sans son épouse ! Démunie, elle appelle les autorités françaises. « Quelqu’un au consulat de France à Jérusalem m’a indiqué qu’il ne pouvait rien faire pour moi. Il m’a juste dit que « Bien qu’Israël bafoue sans cesse le droit international,  chaque Etat est souverain sur ses terres », explique-t-elle désabusée. La jeune femme apprend qu’une place pour Bruxelles lui a été réservée dans le prochain avion. Elle doit tout de même attendre encore six heures avant de pouvoir partir. Pour elle, pas question d’être séparée de son mari. « Mon époux a été obligé d’acheter un nouveau billet pour pouvoir rentrer avec moi », dit-elle, excédée. 


Traitée comme une délinquante, la jeune femme est accompagnée par trois policiers en civil jusque dans l’avion. « Je suis arrivée la dernière. On n’attendait plus que moi. Tout le monde était déjà installé et on me dévisageait comme si j’avais commis un acte grave. Après, les policiers ont donné mon passeport au commandant et m’ont installée tout au fond de l’appareil. C’était très humiliant. J'ai eu le sentiment à cet instant de ne rien valoir », raconte Celoua. 



Le résultat de toute cette affaire est accablant. Outre le choc émotionnel, le couple, privé de vacances, a également perdu pas mal d’argent dans cette histoire : leurs deux billets d’avion (plus un retour supplémentaire pour Loic) ne seront pas remboursés. Ils ont également deux notes bien salées de téléphone, « 250 euros d’hors forfait pour elle », « 150 euros pour lui ». Ils ont aussi dû payer 120 euros pour une chambre d’hôtel à leur arrivée à Bruxelles. Leur vol pour Marseille ne partait que le lendemain.


De retour chez elle, Celoua a encore du mal à réaliser ce qui lui est arrivé. Elle n’a pas encore repris le boulot. Elle travaille dans les relations humaines dans le port de Marseille. Celoua n’a pas appelé sa maman. « Elle croit qu’on est encore en Israël. On devait rentrer mercredi (NDRL : le 10 juin). J’ose pas lui raconter notre mésaventure », se lamente-t-elle. Celoua, un peu abattue, jure tout de même de ne pas en rester là. « Déjà, je vais demander à la compagnie aérienne de nous rembourser les frais. Et puis j’irai au consulat d’Israël à Marseille cette semaine pour connaître les raisons de mon expulsion », promet-elle. « Je doute qu’il me réponde mais j’ai besoin de les avoir en face de moi pour qu’ils savent ce que j’ai vécu », conclut Celoua.



La mésaventure qu'à vécu Celoua Agnel n'est malheureusement pas un cas isolé. Israël expulse en tout impunité tous les jours des citoyens du monde entier, la grande majorité d’origine arabe. Leurs cas n'intéressent malheureusement personne. La plupart de ceux qui se font expulser n'osent pas en parler, comme s'ils étaient coupables. Même ceux qui passent entre les mailles du filet subissent une telle pression psychologique à leur arrivée à Ben Gourion que de toute manière, ils n'en sortent pas indemne.


Ainsi va la vie. Il serait urgent que les gouvernements demandent des comptes à Israël. Il n'est pas admissible que "pour des raisons de sécurité", sans fournir d'éléments de preuves tangibles, des personnes se fassent expulser de la sorte. On n'ose même pas imaginer la réaction des autorités israéliennes si un de leur citoyen devait subir un tel traitement à leur arrivée à Roissy Charles de Gaulle…


 


Nadir Dendoune


 


 

Nadir Dendoune