L’Algérie introduit l’apprentissage de l’anglais dès la primaire

 L’Algérie introduit l’apprentissage de l’anglais dès la primaire

L’anglais devient la quatrième langue obligatoire à l’école primaire en Algérie. MYCHELE DANIAU / AFP

Des milliers de jeunes Algériens ont fait une rentrée scolaire différente cette année. Pour la première fois, l’apprentissage de l’anglais devient obligatoire dès l’école primaire. La nouveauté pédagogique qui ajoute une quatrième langue obligatoire à l’école ressemble fort à un message politique à la France, ancienne puissance coloniale.

 

Comme chez leurs voisins tunisiens et marocains, les Algériens suivent un cursus scolaire où le français est omniprésent aux côtés de l’arabe. Si l’arabe a le statut de langue officielle – ainsi que le tamazight depuis 2016 – le français est la langue des sciences et des affaires. Une place de premier plan qui fait régulièrement débat. Notamment à la faveur des récurrentes crises diplomatiques avec Paris.

C’est justement pour contrebalancer cette influence francophone que le gouvernement a décidé d’introduire l’apprentissage de l’anglais dès la 3e année d’école primaire. L’anglais fera désormais partie du cursus 3 à 4 ans plus tôt qu’avant la réforme. Les jeunes Algériens ne s’initiaient alors à la langue de Shakespeare qu’à partir du collège. La démarche est saluée par les détracteurs de l’emprise de la langue de Molière. Mais sa mise en œuvre précipitée est largement décriée.

Message pour Paris

En effet, ce n’est que le 19 juin dernier que le président Abdelmadjid Tebboune a fait part de sa décision en la matière. Un calendrier bien court pour une réforme de cette ampleur. « Le français est un butin de guerre, mais l’anglais est la langue internationale », a-t-il expliqué fin juillet. Le ministère de l’Éducation n’a eu donc qu’un été pour appliquer la volonté présidentielle, là où les changements de programme scolaire sont généralement pensés plus d’une année à l’avance.

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Ceux qui s’attendaient à voir disparaitre le français des programmes en sont pour leurs frais. Si le président Tebboune a voulu adresser un message à la France, il n’a toutefois pas voulu couper les ponts. La visite en Algérie du président Macron en aout et celle de la Première ministre Borne en octobre actent d’ailleurs un nouveau rapprochement entre les deux pays.

Toutefois, « enseigner quatre langues (arabe, berbère, français et anglais) dès le primaire va créer une confusion dans l’esprit » des enfants, estime le pédagogue et ex-enseignant d’anglais Ahmed Tessa.

« Nous avons plus de 8 millions d’Algériens qui vivent en France, des familles mixtes qui viennent, qui repartent. L’essentiel des contacts touristiques se font d’abord avec la France et pas avec l’Angleterre », a ainsi souligné le linguiste Abderzak Dourari.

5000 nouveaux enseignants en deux mois

Sur le plan pratique, le ministère a recruté en quelques semaines 5 000 enseignants contractuels. Ces derniers ont reçu une formation express et leur assignation juste avant la rentrée. Dans le même temps, l’Éducation nationale a fait produire et imprimer un nouveau manuel scolaire.

« Quand on se précipite sans réunir les conditions nécessaires, il y a lieu de s’interroger sur la réussite de cette mise en œuvre », regrette Messaoud Boudiba, porte-parole du CNAPESTE, un important syndicat du secteur. « Si on n’a pas suffisamment d’enseignants compétents, il vaut mieux ne pas se lancer tout de suite », estime M. Dourari.

De son côté le ministère assure qu’il a exigé des nouveaux enseignants qu’ils aient au minimum une licence en anglais ou en traduction. « Nous nous félicitons de cette décision qui a tardé à venir », se réjouit Sadek Dziri, président de l’UNPEF, un autre syndicat influent, arguant que « l’anglais est la langue des sciences et de la technologie ».

 

Rached Cherif