Le Maroc, un pays de surf dans le haut de la vague

 Le Maroc, un pays de surf dans le haut de la vague

Le Maroc compte 3 000 kilomètres de côtes. Un atout de poids pour attirer les surfeurs du monde entier. Russ Rohde / Image source AFP

Alors que la saison estivale débute, avec une situation un peu plus normale que les années précédentes, de nombreux mordus de surf vont se tourner vers le Maroc, devenu la destination phare des amoureux des grosses vagues. Focus sur le royaume qui a su développer son environnement pour attirer les surfeurs du monde entier.

 

 

Taghazout, Imessouane ou Tifnit … Les spots de surf ne manquent pas au Maroc. Face à la surpopulation des lieux de pratique en Europe, les férus de glisse aiment à venir au Royaume, notamment en hors-saison. Avec ses vagues longues de centaines de mètres, ses nombreux camps de surfeurs et la disponibilité du matériel nécessaire, le pays s’est imposé, en quelques années, comme une destination où l’on aime taquiner la vague.

Inspirés par les militaires nord-américains dont la base était située à Mehdia, les premiers surfeurs locaux sont apparus dans les années 1970, sur les plages de Rabat, Casablanca et Kenitra. Une période expérimentale que Camile Said-Eddine a connue vingt ans plus tard.

Alors âgé de 11 ans, celui qui deviendra le fondateur de la première marque de surf marocaine, Moor’s, fait partie de ces jeunes aventuriers du skate, du patin à roulettes et autre bodyboard. Leurs lieux de prédilection : Tahiti Beach, Dar Bouazza, Oued Cherrat.

“Nous n’avions pas de référence nationale dans le surf, indique le natif de Casablanca. Nous étions livrés à nous-mêmes, de 7 heures à 19 heures, sans encadrement. Je me voyais remporter les championnats du monde à Hawaï, cette destination exotique que l’on ne connaissait que dans les magazines. C’était un rêve de fou, impossible à réaliser !”

Activité lucrative

Le Maroc, un pays de surf dans le haut de la vague
Camile Said-Eddine, créateur de la marque de surf Moor’s. @moors_@surfboards

S’il n’est pas devenu champion, Camile est tout de même parvenu à travailler dans le domaine qui l’attirait à l’adolescence. Entre-temps, la Fédération royale marocaine de surf et de bodyboard a vu le jour en 2002 et Taghazout n’est dorénavant plus un village de pêcheurs mais l’épicentre d’une véritable économie. Depuis une vingtaine d’années, c’est tout un littoral de la région Souss-Massa-Drâa qui vit de cette activité lucrative.

Selon une étude réalisée par Thomas McGregor et Samuel Willis, deux chercheurs d’Oxford en Grande-Bretagne, “le surf réduit l’extrême pauvreté en encourageant les ruraux à se déplacer vers des zones plus urbaines. Cet effet est plus prononcé dans les économies émergentes. Quand une onde, communément appelée ‘spot’, est découverte par la communauté internationale, la croissance économique dans la région augmente d’environ 3%”.

Conscient de ce marché potentiel, le Maroc a mis en place le projet d’aménagement touristique Taghazout Bay, qui prévoit plusieurs dizaines de milliers de lits et la création de 20 000 emplois. Et les chiffres donnent le tournis. Pour un spot, le surplus d’activités peut engranger 16,5 à 20 millions d’euros par an.

En France, une étude sur le potentiel de la pratique du surf révèle que la moitié des adeptes viennent de l’étranger, avec une forte représentation masculine jeune et une part non négligeable de CSP+. Elle observe aussi que 38% des surfeurs achètent leur matériel sur place et 20% le louent. Les trois quarts se payent un hébergement et 66% louent des voitures. La seule ville de Biarritz reçoit, en retombées économiques, 2 à 3 millions d’euros par an et possède même un conseiller municipal chargé de ce sport.

Tourisme de niche

Au Maroc, Camile Said-Eddine a accompagné la naissance de ce tourisme de niche. “Le surf est un milieu fermé, indique le chef d’entreprise. Si tu ne le connais pas un minimum, tu ne peux pas entrer sur ce marché. Cela demande une certaine technicité pour fabriquer les produits et un travail de commercial acharné pour les vendre.”

Il lui aura fallu convaincre du monde pour mener son projet fou. Il y a dix ans, après un tour du monde, il crée la marque Moor’s, en référence aux Maures et à des inventeurs, comme Abbas ibn Firnas. Jusqu’alors, les planches et le matériel étaient importés. “Nous nous sommes positionnés par rapport au prix, à la disponibilité et à la qualité de nos produits. On était 30 à 40% moins cher que les autres marques. On trouvait qu’elles abusaient. La concurrence européenne a fini par s’aligner sur nos tarifs.”

Avec la naissance de centaines de surf camps, cette disponibilité d’un matériel de bonne qualité et abordable a sans doute encouragé la progression du sport dans le pays. Dorénavant, il faut compter 100 euros pour la combinaison et autant pour la planche. Avec des prix intéressants, des facilités de paiement et du matériel de bonne facture, les parts de marché de Moor’s au Maroc tournent entre 60 et 70%.

Camile Said-Eddine a acquis le don du commerce très jeune à Casablanca, “en vendant des jus d’orange dans la rue avec une grosse marge”, dit-il en souriant. Il remercie aussi son passage par l’empire du Milieu, après des études en France. “Je suis arrivé en Chine au moment de l’épidémie de Sras en 2003. J’ai dû tout réapprendre. Les Chinois ont une culture à part et un pays en fusion auquel je voulais participer.”

Après des cours, des stages sur le marché des matières premières pour les entreprises pharmaceutiques, il travaille dans la bagagerie technique pour les armées et les clients de luxe. En 2011, il quitte le pays pour un tour du monde de dix-huit mois. L’idée d’un surf marocain lui vient après une demande de sourcing (recherche de fournisseurs, ndlr) pour des lunettes chinoises en forme de planche de surf.

Coton organique

Aujourd’hui, sa marque Moor’s dispose de boutiques à Taghazout et sur le littoral basque. Dans le monde entier, jusqu’à Hawaï, on voit fleurir son matériel éco-responsable. “Nous voulons être une marque de mode jeune pour les urbains qui aiment le surf, le skate et les sports de glisse, explique Camile. On ne fait pas du H&M. On se soucie de l’environnement, en utilisant par exemple du coton organique.”

Avec son mode de vie en accord avec la nature et ses 3 000 km de côtes face à l’océan Atlantique, le Maroc peut espérer s’imposer encore davantage sur un marché mondial qui rapporte 46 milliards d’euros par an. Toutefois, Camile Said-Eddine n’oublie pas que le surf doit encore se professionnaliser dans son pays.

“Nous devons être vigilants au fait qu’il s’agit d’un écosystème et non pas simplement d’un sport. Je forme par exemple au secourisme, à la technique, au sauvetage en mer. Des centaines de moniteurs peuvent ainsi transmettre du savoir sur les manœuvres, les appuis ou les mouvements. Mais il faut aller plus loin si l’on veut que notre destination soit encore plus présente sur ce marché florissant.” 

 

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Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.