Le prisonnier palestinien Bassam Khandakji, lauréat du Prix international de la fiction arabe – L’écriture échappatoire

 Le prisonnier palestinien Bassam Khandakji, lauréat du Prix international de la fiction arabe – L’écriture échappatoire

Prix international de la fiction arabe, édition 2024 : UN MASQUE COULEUR DU CIEL de Basem Khandajki, éd. Dar Al Adab (Beyrouth, 2023), 240 p., non traduit en français.(Photo de fond : YOAV LEMMER / AFP)

Le poète et romancier palestinien Bassam Khandakji n’a pas pu recevoir le Prix international de la fiction arabe qui lui a été décerné le 28 avril. Et pour cause, cela fait près de vingt ans qu’il est détenu dans les geôles israéliennes. Borgésienne et trempée dans l’humour noir, sa plume a conquis le jury.

Par Maati Kaabal

Parrainé par la Booker Prize Foundation et financé par le ministère de la Culture et du Tourisme d’Abou Dhabi, le Prix international de la fiction arabe a pour ambition de récompenser l’excellence et de donner une visibilité mondiale au roman arabe contemporain.

Le lauréat de la 17e édition a été annoncé la veille de l’ouverture de la Foire internationale du livre d’Abou Dhabi qui se tient du 29 avril au 5 mai.

Parmi les six écrivains présélectionnés, c’est le Palestinien Basem Khandakji qui a remporté la récompense et les 50 000 dollars dont elle est assortie.

 

Condamné à perpétuité

Derrière les barreaux, Basem Khandakji va s’essayer à tous les genres, de la poésie au roman en passant par les chroniques de la détresse des Palestiniens.

Le 1er novembre 2004, un kamikaze originaire de Naplouse actionne une charge explosive à une heure de grande affluence dans le plus grand marché de Tel Aviv.

L’attentat, qui fait trois morts et trente blessés, est revendiqué par le Front populaire de libération de la Palestine.

En raison de son appartenance active à cette organisation, Basem Khandakji est arrêté et condamné à perpétuité. A l’époque, il n’a que 21 ans. Il en a près du double aujourd’hui.

Derrière les barreaux, l’écriture devient son échappatoire et il s’essaye à tous les genres. On citera notamment son recueil de poésie, Rituels de la première fois (2010), son roman Le Souffle d’une femme abandonnée (2020) mais aussi ses chroniques de la détresse des Palestiniens regroupées dans Esquisses d’un amoureux du pays (2007). C’est son dernier ouvrage, Un masque couleur du ciel, paru l’an dernier chez Dar Al Adab, à Beyrouth, qui a concouru pour le Booker arabe 2024.

Basem Khandakji occupe une place à part parmi les figures de la littérature carcérale. Il se démarque de ses confrères Ali Khalili, Fayçal Hourani, Mutaz al-Haymouni, Mohamed al-Maqadma, qui l’ont précédé dans les cellules israéliennes.

Plus moderne, il estime que l’espérance de vie de l’écrivain dépasse celle de la politique. Son livre, qui lui a valu ces honneurs à Abou Dhabi, contient tous les ingrédients borgésiens : intrigue, dédoublement des personnages, mise en abîme, retournements de situation, sans oublier l’humour noir.

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Le masque de l’occupant

Le personnage principal de son livre, Nour, qui veut dire “lumière” en arabe, est un archéologue vivant dans un camp de réfugiés à Ramallah. Alors qu’il déambule dans le marché aux puces, il tombe sur un vieux pardessus en cuir. A l’intérieur d’une poche, il trouve une pièce d’identité appartenant à un certain Ur Shapira, un Israélien. Il endosse cette nouvelle identité et devient Ur.

Il arbore dès lors le masque de l’occupant pour mieux saisir ce qu’il en est de sa réalité et de celle de la Palestine. Il fait alors irruption dans une colonie créée dans les années 1920 sur les terres palestiniennes de Marj Ibn Amer.

Cette infiltration est facilitée par sa blondeur et ses yeux verts qui lui permettent aisément de se faire passer pour un Ashkénaze. Ainsi le ghetto juif devient une métaphore de l’Holocauste palestinien, un miroir dans lequel les Israéliens ont du mal à se voir.

 

La rédaction