Maroc/Israël : La paix des braves

 Maroc/Israël : La paix des braves

Meir Ben Shabat, le puissant conseiller à la sécurité nationale de l’État d’Israël, faisant allégeance au roi du Maroc dans un dialecte marocain impeccable

L’image a fait le tour du monde : Meir Ben Shabat, le puissant conseiller à la sécurité nationale de l’État d’Israël, faisant allégeance au roi du Maroc dans un dialecte marocain impeccable. Vient le tour de Jared Kushner, l’autre puissant conseiller et gendre du président américain.

 

Bien sûr, au Maroc, les réactions passionnées et passionnelles à ce tableau fort peu commun sont diverses, entre ceux qui sont émerveillés par le verbe du responsable israélien qui a tenu à s’adresser aux Marocains dans sa langue maternelle (le marocain) pour dire toute sa joie et sa fierté d’être enfin parmi ses frères marocains : « Nous remercions Dieu et lui rendons grâce pour cette journée (…) Je n’ai rien à cacher, tout se lit sur mon visage et sort de mon cœur plein de joie ». Et les autres, pour qui la trahison est grande de voir se concrétiser aussi vite une normalisation avec l’État hébreu que tout le monde redoutait sans trop y croire.

Pourtant l’époque ne se prête guère aux lamentations, et dans ce sens, ce que vient de faire Mohammed VI avec les Israéliens, avec toute l’audace qu’il a fallu pour bousculer le statu quo est un véritable cas d’école en matière de stratégie d’Etat qui restera gravé dans les annales de l’histoire.

D’autant plus que les évènements qui se précipitent ne relèvent ni de la sérendipité (aptitude à saisir par hasard l’utilité d’une découverte inattendue) ni de l’happenstance (la chance d’être au bon moment et au bon endroit) mais plutôt d’un travail de longue haleine et mené de plus, dans la discrétion la plus absolue. Des négociations Intuitu personae grâce à un travail d’orfèvre pavé de rencontres secrètes, de multiples entrevues et des contacts rapprochés. Le tout supervisé par le monarque en personne.

Au final, le roi aurait-il sacrifié la question palestinienne sur l’autel de la realpolitik au Sahara ? C’est mal connaître le personnage que de penser que Mohammed VI pourrait encore revendiquer aujourd’hui le titre de président du comité d’Al Qods tout en faisant de la seconde qibla des musulmans l’objet d’un quelconque marchandage. Les Palestiniens qui sont au parfum ont accueilli la décision de normalisation entre l’État hébreu et le Maroc, si ce n’est avec joie, du moins avec beaucoup d’assurances. Des assurances que désormais, Israël devra faire avec un partenaire coriace et réfléchira à deux fois avant de lancer ses chars contre des maisons palestiniennes sans oublier l’option de deux États qui a été remise sur la table. Et de toutes les façons, les temps qui viennent révéleront les acquis négociés par le roi du Maroc pour le peuple de Palestine. N’oublions pas que dans la perception des Marocains, tous les Marocains et à leur tête, le roi qui reste le premier d’entre eux, la question palestinienne reste au cœur de toute normalisation. Pour l’instant, une normalisation qui vient du haut devra tenir compte de cette solidarité légendaire envers les Palestiniens en attendant d’engager une véritable normalisation sociétale puisque les populations ne peuvent imaginer Israël autrement qu’en pays colonisateur.

Quant aux profits que le Maroc pourrait tirer d’Israël, il suffit de savoir que l’État hébreu est la première économie sur 60 économies développées dans le monde en termes de capacités technologiques et scientifiques, selon l’Index de Dynamisme mondial. Israël possède un savoir-faire reconnu dans le domaine des hautes technologies, dans des secteurs aussi variés que l’informatique, l’électronique, le médical, la fibre optique ou encore l’aéronautique. Après tout, les innovations de scientifiques qui ont réussi à faire fleurir le désert trouveront bien leur place dans la dynamique lancée par le monarque au Sahara.

D’une manière générale, le Maroc qui a toujours donné des leçons au monde entier ne se définit que s’il est le royaume de la tolérance, celui de la fraternité entre juifs et musulmans, du mariage de l’amazighité avec l’arabité, de l’union des contraires, bref, un Maroc des lumières qui reste le meilleur qualificatif pour résumer ce que d’aucuns ont tenté de définir en « tamaghrabite », en opposition à « l’obscurantisme ». Cet obscurantisme qui obscurcit la perception du monde et que l’on ne peut mieux dénoncer que si on le met en perspective.

On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, cette maxime du Cardinal de Retz devrait servir de leçons à « nos obscurantistes », à nous, peut-être cela leur permettra de se débarrasser de ce vice politique qui consiste en l’évitement, la langue de bois et la peur des mots vrais.

« Quand il y a du flou, c’est qu’il y a un loup », avec cette nouvelle page ouverte avec Israël, le moins qu’on puisse dire, c’est que la battue est ouverte, beaucoup de loups courent encore. Pour les islamistes, le « loup », c’est l’incapacité à quitter, peu ou prou, une posture victimaire dévoyée par l’outrance de l’idéologie. Arracher la Palestine aux salafistes, c’est extirper un « avantage acquis » à ces vendeurs de poudre de Perlimpinpin. « La preuve du pire, c’est la foule », proclamait Sénèque, il y a bien des millénaires. Or les islamistes du Parti de la Justice et du Développement, jouent un jeu dangereux avec cette même foule. Sur cette question brûlante d’actualité, le parti au pouvoir qui veut continuer à se vautrer dans les délices de la proximité a partagé les rôles . Au MUR, le bras idéologique du parti, la fabrique de la haine, l’indignation, le contrôle des esprits, mis en demeure de répéter les harangues et les appels au jihad contre « la normalisation avec l’ennemi sioniste » et aux ministres du parti le terrible soin d’avaler les couleuvres de la signature des accords (devant caméras) avec les émissaires de l’état hébreu.   Pour sa part, c’est un Abdelilah Benkirane, jubilant, soufflant le chaud et le froid, qui va demander la convocation d’un conseil national pour le dimanche prochain dans le but d’ exiger d’ El Othmani des explications pour avoir osé signer, en tant que chef du gouvernement, la Déclaration conjointe Maroc-USA-Israël.

Cette régression idéologique, propre aux islamistes est portée par une désinformation qui caresse dans le sens du poil une population gavée au misérabilisme victimaire.

Si on les écoutait, ces pisse-vinaigre nous prédisent encore un Maroc rabougri, triste et orwellien. Pourtant, il est quasi certain que le pays sera sans doute à la fête, avec une croissance économique au rendez-vous et, en bonus de bien grandes espérances. En attendant, tout est à reconstruire. À commencer par ce déficit de confiance, fortement malmené par la duplicité des islamistes au pouvoir.

 

Abdelatif Elazizi