Mohammed Benlahsen : « Le Maroc est en mouvement »

 Mohammed Benlahsen : « Le Maroc est en mouvement »

Crédit photo Mina Kawashy

Président de l’Université de Picardie-Jules Verne, Mohammed Benlahsen est un docteur ès Sciences, spécialisée en physique. A l’occasion du 70ème anniversaire de la Maison du Maroc, il est revenu pour nous sur les évolutions des mouvements dans le Royaume.

Le Courrier de l’Atlas : Pourquoi estimez-vous que le Maroc est en mouvement ?

Mohammed Benlahsen : Je pars du principe que le Maroc est pluriel. Beaucoup de gens restent sur une image véhiculée d’un pays touristique et figée comme une carte postale. Or, il convient de voir le mouvement de fond qui a été mis en place ces dernières années. La trajectoire du Royaume va vers une autre image, un autre modèle.

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LCDA : En tant que spécialiste de physique, dans quel sens vont les mouvements du Royaume ?

Mohammed Benlahsen : En tant qu’observateur, il y a une trajectoire claire et bien posée. Il ne s’agit pas simplement d’avoir des infrastructures pour accélérer la mobilité. Elle s’accompagne d’un mouvement de transformation sociologique et économique. Par exemple, le port de Tanger Med doit être compris dans l’histoire. Au moment des Saadiens, l’est du Maroc était bloqué par les Ottomans, le nord par les Espagnols et les Portugais. La seule solution était d’ouvrir les voies du Sud. Il ne lui restait que cette fenêtre pour se développer. Depuis, on a changé de paradigme. Tanger Med est défini dorénavant comme un pont Nord-Sud. Nous ne sommes plus dans une équation de survie mais plutôt dans celle de la médiation. Pour l’instant, on n’en voit que l’aspect économique. Elle le deviendra sur le plan culturel. L’apport de ce port a transformé complètement cette région, même d’un point de vue sociologique.

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LCDA : Existe t’il aussi d’autres projets qui confirment ce changement de paradigme ?

Mohammed Benlahsen : Prenons l’exemple de Rabat, ville où je suis né. Elle est sur une autre tendance. Elle a pu établir un lien avec son passé qu’elle a projeté dans la modernité. Jusqu’à récemment, la plupart des villes marocaines tournaient le dos à la mer. Or, tout le projet de la Vallée du Bouregreg s’oriente vers l’océan dorénavant. Au delà de la propreté de la ville, les Marocains se sont appropriés cette idée. Cela change complètement la donne. La mobilité a décloisonné la ville. Du quartier populaire au quartier huppé, il y a une adhésion à cette vision.  Il y a un coté transformant, voire même modèle qui rayonne à travers ces projets. Celui-ci peut en plus être dupliqué ailleurs. le mouvement pris par le Maroc est irréversible.

LCDA : Le Maroc se développe vers toutes les directions. La notion de hub n’est donc pas fictive ?

Mohammed Benlahsen : On a souvent pris cette notion de hub comme un slogan. Ca ne l’est pas. C’est une réalité. Si on prend l’exemple des voitures Renault à Tanger Med, le mouvement allait d’un export de l’industrie européenne vers le Sud. L’objectif était simple : des coûts faibles et un moyen d’attaquer le marché africain.  On se rend compte que ces voitures peu chères font aussi un mouvement inverse et se redirige vers le Nord. Autre changement également, la notion de transit qui s’opère dans le Royaume. Des mouvements conséquents vont vers le Sahel ou vers l’Afrique de l’Ouest par exemple. Tous ces pays attendent beaucoup du hub marocain car cela rayonne bien au delà des frontières du Royaume.

 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.