La chronique du Tocard. Si j’étais papa…

 La chronique du Tocard. Si j’étais papa…


 


Moi, si j'étais papa, je serais aux avant-postes, bien avant que le bébé naisse et je suivrais pas à pas sa venue au monde. D'abord, je serai fou de joie quand ma gonz m’annoncera la nouvelle : ça sera un enfant voulu, c’est important pour partir sur de bonnes bases. Faudra aller chez le gynéco et avec ma meuf, on regardera ensemble l’échographie avec anxiété mais aussi avec bonheur, en découvrant le sexe de celui-ci, une fille ou un garçon, du moment que la santé est au rendez-vous.   


 


Puis, j’accompagnerai ma grosse qui aura pris du poids avec les mois qui passent à la piscine pour la préparation à l'accouchement et je ferai pas comme les autres mecs et je continuerai à lui faire l’amour parce qu’il paraît que les nanas enceintes, elles sont excitées comme des chalumeaux. 



Le fameux Jour J, j’irai à la maternité et je mettrai un bonnet et des gants aseptisés pour éviter les bactéries et j’attendrai qu’on lui coupe le cordon ombilical juste pour après fondre de larmes de joie. 

  

Après ses premières dents et quand l'amour de ma vie aura enfin marché, après avoir rampé comme une tortue, on le mettra à la crèche pour rencontrer d’autres bébés et il fera comme tous les autres, il finira par aller au CP.  



J’essaierai de ne jamais louper une seule rentrée des classes, et tout faire pour déposer mon enfant le plus souvent possible les jours suivants, d'abord parce qu'il paraît que c'est important pour la confiance du gamin et aussi un peu par revanche, pour oublier que papa n'a jamais pu m'y emmener, trop occupé au turbin avec ses 11 bouches à nourrir et aussi parce qu'il ne savait pas qu'il avait le droit de le faire. 



Pour son premier jour au CP, je viendrai aussi un peu avant l'heure, quand la rue est calme et quand le bruit est encore dans les maisons, pour discuter un peu avec lui, pour calmer ses peurs et lui dire qu'il ne sera jamais seul le môme et lui promettre que je serai là à son retour, avec le sourire et les câlins tout autour. 



Je lui dirai alors de prendre du plaisir à écouter ce que disent les professeurs qui travaillent avec le coeur et de ne pas hésiter à les interrompre si il ne comprend pas certaines choses. 



Au moment de se dire au revoir pour aller rejoindre ses camarades, y aura un moment de tendresse mais sans les larmes de mon côté parce que tout va bien coco : l'école c'est une belle aventure, et qu'on aura tellement d'autres occasions  pour pleurer. Mais je crois que j’aurais le courage pour aller au bout de mes sentiments pour le serrer très fort dans mes bras mais pas trop, juste ce qu’il faut, parce qu'à vouloir en faire trop, on fait parfois les choses de travers.



Et puis, c'est sûr, je lui soufflerai dans l'oreille « Un je t'aime » de circonstance pour être certain que mes mots d'amour soient directement pour lui et rien que pour lui parce que même s'il sent que papa est gaga pour son enfant, les mots sont tout aussi importants.



Il se peut même, couillon comme je suis, que je le dise encore et encore mais cette fois-ci dans ma barbe, rien que pour moi, quand il sera trop tard pour qu'il m'entende, juste pour que je m'habitue à l’expression.  



A son retour à la maison, quand sa maman sera toujours au travail, je lui ferai un vrai chocolat au lait, avec des vrais carrés de chocolat que je ferai fondre tout doucement dans une casserole en inox, comme ça, il pourra dire à toute sa classe qu'il n'a jamais bu de Banania de sa vie, lui ! 



Quand il aura bien mangé son 16h, ça sera l’heure des devoirs. Le gamin n’aura pas à aller demander de l’aide ailleurs que dans sa maison principale, comme son papa a pu le faire tellement dans sa jeunesse, mais heureusement que j'ai compris il y a quelques années qu’il fallait arroser son cerveau pour avancer. 



Ensuite, ça sera au choix, soit il ira sur le canapé avec un coussin sur le côté pour qu’il soit à l’aise pour écouter une histoire, mais peut-être que ça sera trop d’intellect pour la journée, soit il préférera aller jouer au grand air avec ses copains. 



La fin de l’après-midi, mon môme ira au sport, mais seulement s'il aime l’effort, s’il sent comme son père que ça l’apaise, ou il pourra faire du théâtre ou du solfège, de la danse ou de la musique classique, voire de l'équitation, les chasses gardées des plus friqués, mais s’il veut faire du foot et du rap, je finirai par le laisser faire. 



Le soir, mon bébé ne restera pas devant la télé sauf de temps à autre par exemple pour voir et revoir les films cultes, ceux avec Bourvil, Fernandel, ou Louis de Funès, l’acteur préféré de son grand-père, et ça sera l’occasion de lui rappeler ses racines. 



Je lui parlerai alors avec fierté mais pas avec un nationalisme puant à la facho land, de ces origines qui seront au moins pour sûr, à 50% de l'Algérie pour éviter qu'il soit confronté à du racisme précoce pendant la cour de récréation et qu’il n’ait pas honte de sa belle couleur de peau. Je lui dirai gamin, « Ici, c'est chez toi et on s'en fout si le gouvernement et les autres couillons te disent tout le contraire. C'est pas vrai : la France c'est pas seulement Jeanne d'Arc et le saucisson ».



Le week-end, on ira faire des balades à vélo parce que j'aurai installé à l'arrière un porte-bébé. Passé 4 ans, il me suivra avec sa propre bicyclette à roulettes et il les  enlèvera très vite parce que c'est certain, il sera un champion du deux roues. 



Parce que la plupart de mon fric ira pour les voyages, on partira dès qu'on pourra aux quatre coins du monde où j'ai la chance de connaître des tas de gens sympas. 



Quand il grandira un peu, il ira aux manifs avec moi et je le porterai sur mes épaules et il sera le plus grand de la bande. Je ferai comme Feu Christian et sa super nana Giula, mes deux militants préférés, qui avaient fait pareil avec leurs gamins et faut voir le résultat en or que ça a donné, pour que mon bébé comprenne qu’il n’y a qu’ensemble qu’on est costaud. Pour qu'il ait des valeurs, des combats à défendre, comme la cause féministe, l'homophobie, tous les racismes sans hiérarchie, le sort des sans-papiers, les réfugiés, la Palestine…



Je le prendrai en photo la louloutte, en long, en large, en vertical et en horizontal, partout et nulle part ailleurs, et je le filmerai dès que possible parce que c’est pas évident d’être comme son papa et de n’avoir aucune image de soi en grandissant, pour se souvenir comment c’était avant.  



Il pourra aller voir sa grand-mère autant qu'il le voudra parce que sa porte et son cœur sont toujours ouvert aux autres et encore plus à sa famille. Ma mère ne changera pas sa technique, en lui donnant des bonbecs comme elle le fait avec tout le monde et elle le fera tourbillonner dans les airs et le môme aura le sourire jusqu’aux lèvres. Il parlera kabyle, et aussi arabe, et aussi anglais, et aussi chinois, enfin toutes les langues qu’il voudra. 



Je lui raconterai encore et toujours l'histoire de son grand-père, de son parcours exemplaire, du héros oublié qu'il a été, et j’aurais à chaque fois la larme à l’œil, avec une pointe de regret dans l’âme, en me disant que mon papa s'il avait pu être là, il aurait été lui aussi trop gaga.



Je sais pas si tout ça, ça suffira pour faire de mon enfant quelqu'un de bien et d'heureux à la fois parce qu'on ne peut jamais être sûr de quoique ce soit à l'avance. Et puis, pour que ça réussisse, il faudrait que je sois irréprochable, que je n'ai pas de faille, mais un papa sans faille, ça n'existe pas. Mais je donnerai tout pour être à la hauteur…


 


Nadir Dendoune


 


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