Tunisie contre salafistes, l’affrontement inévitable ?

 Tunisie contre salafistes, l’affrontement inévitable ?

Le peuple tunisien reproche de plus en plus aux autorités leur complaisance face aux graves dérapages des salafistes. Photo Fethi Belaïd / AFP.


La spirale de la violence repart de plus belle en Tunisie. Le pays est au bord de graves dérapages. Le gouvernement porte une grave responsabilité : il a alimenté la violence verbale, par sa stigmatisation d’une partie de la population, et a toléré les violences verbales et physiques des salafistes.




 


Nouvelle escalade de la violence hier dimanche. Cette fois, elle a pour théâtre la ville de Sfax dont le centre-ville avait des airs de champ de bataille d’une guerre civile.


La tentative d’apaisement de Rached Ghannouchi aura été vaine : le bras de fer entre le nouveau pouvoir et l’UGTT continue. Samedi, sentant le péril et prenant les devants, le chef d’Ennahdha rendait visite au siège de la centrale syndicale, en signe de bonne volonté.


Un communiqué mettant en avant le dialogue émanera de la visite, mais rien n’y fait : la marche de Sfax prévue de longue date aura tout de même lieu le lendemain. Tout se passe comme si la ville devait à son tour connaître sa bataille.


Bruit de bottes dès la matinée où les esprits sont chauffés à blanc par l’outrage au drapeau à la Manouba. A peine engagée, la manifestation doit faire face à une contre-manif d’éléments salafistes aux méthodes de barbouzes, selon un rituel désormais bien réglé.


Mais cette fois l’extrême droite avait perdu d’avance auprès de l’opinion : brandir le drapeau noir djihadiste était une provocation de trop. Les jets de pierre fusent et les salafistes venus en découdre sont contraints de battre en retraite lors de heurts d’une violence inédite


 


Le cycle de la violence, un cercle vicieux


Un nouveau pas vers le chaos était franchi la même matinée en plein cœur de Tunis : Un cheikh du mouvement prosélyte « dawa wa tabligh », Lotfi Kallel, est poignardé de 3 coups de couteau mortels à la sortie de la prière de l’aube par des inconnus.


Très vite, la galaxie web salafiste s’emballe et s’empresse d’accuser « les laïcs » d’être à l’origine du meurtre, alors que la mouvance à laquelle appartient la victime est pacifiste et davantage en conflit avec les radicaux luttant pour le contrôle des mosquées de la capitale.


Alors que l’enquête part sur des bases de crime crapuleux de droit commun, la sœur du défunt semble tomber dans le piège en incriminant à son tour « les laïcs », ravivant les tensions et la polarisation entre les deux camps.


Enfin, après avoir minimisé l’affaire du drapeau, Abou Iyadh, leader du courant salafiste djihadiste, promettait dimanche à demi-mot de prendre les armes, au nom de ce qu’il considère comme « la défense du pays ». Il menace de ne plus appeler à la retenue désormais.


Dans les réseaux sociaux, de plus en plus de groupes laïques appellent à s’initier aux sports de combat.


 


Complaisance et cacophonie gouvernementales


5 jours après les évènements de la Manouba, le profanateur du drapeau court toujours, selon l’aveu d’impuissance du ministre de l’Intérieur. Yassine Touzri, un habitant du Bardo, a pourtant été clairement identifié. L’inefficacité du puissant appareil policier, toujours en place après la révolution, ravive les spéculations de complaisance de la part des autorités, soupçonnées de ménager les troublions salafistes.


C’est que le son de cloche de certaines déclarations de dignitaires nahdhaouis au pouvoir ne plaide pas en faveur d’un traitement sérieux de la question salafiste.


Le ministre de l’Enseignement supérieur, Moncef Ben Salem, veut désormais s’en remettre à l’Assemblée constituante dans l’affaire du niqab, source du conflit initial, alors même que la justice s’est déjà prononcée à deux reprises sur la question, via les Tribunaux administratifs de Sousse et de Tunis, en donnant raison au règlement intérieur interdisant le niqab en classe.


Abdelkrim Harouni, ministre des Transports, a quant à lui renoué avec la rhétorique conciliante de la nécessité du dialogue avec la tendance salafiste. Lors d’une intervention publique, il a prôné samedi ce qui, selon lui, est « la seule solution viable pour désamorcer la crise » : la réconciliation.


Reste que cette ultra droite a jusqu’ici démontré, par ses velléités ouvertement belliqueuses, un rejet de tout compromis. Elle semble au contraire bien plus dans son élément dans la fuite en avant guerrière qu’elle appelle de ses vœux.


Seif Soudani




 

Seif Soudani