Tunisie – Grogne politico-sociale : la rue se prépare à une journée test

Une justice qui multiplie les gaffes aux yeux d’une opinion en mal de verdicts convaincants,  un gouvernement à la communication trop poussive, combinés à la vie chère et une situation sociale toujours en berne spécialement en province et dans des régions clés de la révolution, telles sont les crises dont s’est saisi l’UGTT, principal syndicat ouvrier du pays, pour appeler à une manifestation géante à Tunis, la plus grande marche depuis la révolution d’après ses leaders, sous le thème quelque peu fleuve de « A la mémoire des martyrs et pour la réalisation des objectifs de la révolution ».

Un remaniement tardif

Comme pour désamorcer la crise et tuer la contestation qui se prépare dans l’œuf, Béji Caïd Essebsi le gouvernement provisoire aurait finalement procédé comme pressenti et sous pression de l’opinion au limogeage de Lazhar Karoui Chebbi, ministre de la Justice (84 ans). Selon diverses sources, il était démis de ses fonctions dès dimanche soir pour être remplacé par Mokhtar Jellali, ex ministre de l’agriculture et de l’environnement.

Les explications du vieillissant ministre de la Justice lors d’une sortie médiatique il y a trois jours n’auront donc pas suffit à son maintien qui devenait intenable. Il avait tant bien que mal essayé de se justifier de certains cafouillages judiciaires : « J’ai écrit, depuis deux mois, à l’Association des magistrats tunisiens et au syndicat des magistrats, pour leur demander de me fournir une liste de ceux qu’ils considèrent comme étant les symboles de la corruption, mais je n’ai rien reçu jusqu’à présent », avait-il déclaré prétextant une responsabilité partagée dans la fuite par la grande porte de certains dignitaires de l’ex régime.

Pour autant, ce départ ne semble pas suffire à couper l’herbe sous les pieds de manifestants qui ont même promis une mobilisation à la hausse entraînant un changement de programme et l’intention de bloquer la grande avenue Mohamed V en faisant le plein de mécontents dans un premier temps devant la Bourse du Travail de Tunis dès 11h00.

Contacté par le Courrier de l’Atlas ce matin, Moncef Zahi, secrétaire général adjoint de l’UGTT chargé de la fonction publique nous a confié : « il faut à tout prix que la rue fasse pression sur ce gouvernement qui en plus de n’avoir rien fait depuis sa constitution pour les régions défavorisées, nargue ouvertement le peuple en acquittant des gens comme Ali Sériati dans l’affaire de l’Aéroport de Carthage et des juges encore corrompus qui ont décidé de peines ridicules de 1 à 2 ans de prison pour les Trabelsi ».

Un risque important de dérapage

Même si le syndicat historique a appelé « les travailleurs, l’ensemble de la société civile et les partis politiques » à manifester à ses côtés, des signaux sont déjà envoyés de la part de groupuscules violents qui ont selon nos informations l’intention de sévir aujourd’hui.

Ainsi les hooligans du mouvement Takriz annonçaient sans détours : « Demain l’infiltration dans les manifs et l’attaque » selon le franc-parler et le style menaçant habituels qu’on leur connaît.

D’autres manifestants déjà quotidiennement devant le théâtre municipal depuis quelques jours pour coordonner la fronde fustigent les partis politiques tels que le PDP et Ettajdid pour la mollesse de leurs slogans. « Tout manifestant ne levant pas des slogans réclamant la chute du régime et de ce gouvernement ne fait pas partie de notre action » déclarent déjà quelques blogueurs sur le web tunisien.

Hier soir nous avions constaté que les places névralgiques de la capitale, la Kasbah et l’Avenue Habib Bourguiba en tête, faisaient l’objet d’un très important dispositif sécuritaire, par crainte sans doute d’être pris de court prématurément par des groupes de manifestants dont l’aspect hétéroclite rend imprévisibles leurs intentions. Le Courrier de l’Atlas sera sur place pour une couverture à chaud de cette journée sous haute tension.

S.S

Seif Soudani