Ces entreprises européennes qui fournissent internet à Daech

 Ces entreprises européennes qui fournissent internet à Daech

Les révélations du magazine Der Spiegel pourraient déranger jusqu’au plus haut niveau de l’État français notamment. Adam Berry/AFP


Aucune organisation terroriste n’utilise aussi bien les nouvelles technologies de l’information que l’État islamique. Sans internet, il est certain que le califat islamique aurait beaucoup plus de mal à recruter et à mener toutes les opérations qu’il revendique de Paris à San Bernardino, en passant par Tunis et Le Caire. Dans un pays ravagé par la guerre, comment Daech se connecte-t-il, si ce n’est en recourant aux services de grandes entreprises occidentales comme le révèle une enquête du magazine allemand Der Spiegel ?


 


L’enquête qui dérange


Daech est passé maitre dans l’utilisation du réseau des réseaux. À la fois outil de communication, de propagande et de recrutement, internet est vital pour toute organisation terroriste, et en particulier pour l’État islamique, désigné ennemi numéro 1 de la communauté internationale. Une enquête du Spiegel Online (en anglais) révèle que des sociétés européennes fournissent un accès satellitaire à l’organisation terroriste.


Dans cette zone contrôlée par l’État islamique, à cheval sur le nord de l’Irak et la Syrie, il y a longtemps que les infrastructures de télécommunication ont été détruites. C’est donc par satellite que se connectent les utilisateurs d’internet de cette région. Or, seules quelques entreprises européennes fournissent l’équipement et le service permettant de rester connecté au reste du monde.


 


L’argent n’a pas d’odeur


L’enquête menée par le sérieux magazine allemand est remontée jusqu’aux revendeurs turcs des antennes paraboliques et des modems achetés en quantité par des clients se trouvant de l’autre côté de la frontière syrienne. Seulement, avec un prix d’achat de 450 euros et autant pour six mois de connexion, surfer sur internet n’est clairement pas à la portée du Syrien lambda. D’autant plus que dans les zones sous domination de Daech, seules sont autorisées les connexions des commandants de l’organisation et de quelques lieux publics sous étroite surveillance.


« Un grand nombre d’entreprises sont impliquées dans la vente des technologies nécessaires à la connexion à internet. Figurent en premier lieu les grands opérateurs satellites européens, notamment le Français Eutelsat, le Britannique Avanti Communications et le Luxembourgeois SES », écrit Der Spiegel. Ce sont ces compagnies qui assurent le service qui est revendu par les détaillants turcs à leurs clients de Syrie.


 


Pourquoi les opérateurs ne coupent-ils pas internet ?


S’il est peu probable que ces entreprises fournissent délibérément internet à l’organisation terroriste, il est évident que leurs services sont utilisés principalement par Daech dans certaines zones d’Irak et de Syrie. Sollicités par l’enquêteur, les fournisseurs d’accès s’abritent derrière le fait qu’elles n’ont pas de contact avec les utilisateurs finaux et qu’elles n’ont officiellement de clients qu’en Turquie.


En revanche, pour tout nouvel équipement installé, l’utilisateur doit communiquer ses coordonnées GPS exactes au risque de ne pas obtenir la liaison satellite. Or, les données consultées par Der Spiegel pour 2014 et 2015 montrent que « les antennes satellites sont situées précisément dans des lieux sous contrôle de l’État islamique », tels que le fief de l’organisation Rakka ou encore Alep, Deir-ez-Zor et Mossoul, des villes conquises par Daech.


Eutelsat, société en partie détenue par l’État français à travers la Caisse des Dépôts, peut ainsi difficilement ignorer qui paie pour ses services et a la capacité technique de couper l’accès internet de l’État islamique. Une des explications avancées par Der Spiegel est que les fournisseurs d’accès pourraient travailler en collaboration avec les services de renseignements. Une information impossible à vérifier pour le moment.


Rached Cherif

Rached Cherif