Tunisie. Le mystère persiste autour des évènements de Bir Ali Ben Khalifa

 Tunisie. Le mystère persiste autour des évènements de Bir Ali Ben Khalifa

Lors des évènements de Bir Ali Ben Khalifa

Une semaine après les évènements dits de Bir Ali Ben Khalifa (gouvernorat de Sfax), affrontements armés ayant opposé commandos de l’armée et de la Garde nationale à de présumés éléments terroristes, le mystère plane toujours autour de l’identité du groupe armé neutralisé. Le doute au sein de l’opinion est alimenté par des déclarations contradictoires de membres du gouvernement.

 

Ce n’est pas la première fois que des combats à l’arme de guerre ont lieu en territoire tunisien depuis la révolution, entre les forces de sécurité et des groupes armés sillonnant le sud du pays devenu plus vulnérable aux intrusions.

D’un côté, le conflit armé libyen a ouvert la boîte de pandore de la circulation d’armes de guerre aux frontières sud-est, notamment des kalachnikov AK-47 bon marché ; de l’autre, AQMI a profité selon nombre d’experts du jeu trouble d’officiers militaires algériens, dans la facilitation de la logistique d’une telle circulation aux frontières ouest.

C’est le bilan considérable qui, cette fois, interpelle : 3 militaires et un garde national blessés, 2 membres du commando terroriste tués, et un seul élément arrêté. Une escalade inquiétante alors que la situation sécuritaire aux principaux postes frontières est à peine stabilisée.

 

Plusieurs motifs d’inquiétude

Nous connaissons aujourd’hui avec certitude l’identité des trois terroristes présumés. Helmi Retibi, originaire de la région de Kasserine, et Wajdi Ben Mahmoud, originaire de Bir Ali Ben Khalifa, sont les deux éléments abattus. Tous deux sont natifs de 1985.

Un autre motif d’inquiétude est le jeune âge du 3ème assaillant, arrêté par les membres de la brigade d’élite de la Garde nationale : Zeid Abdelli n’a pas encore 22 ans. Une vidéo a été mise en ligne hier mardi montrant le moment de son arrestation musclée. Conduit pour une comparution immédiate au Tribunal militaire permanent de Sfax, le frêle adolescent qu’il parait être y reçoit quelques coups inutiles.

Originaire de la région de Ben Aoun (Sidi Bouzid), un des nouveaux fiefs du salafisme djihadiste, c’est lui qui aurait conduit les enquêteurs à la cache d’armes qui contenait pas moins de 10 fusils mitrailleurs et un millier de cartouches selon les autorités militaires ayant effectué la saisie.

Des sources sécuritaires dont le porte-parole du ministère de l’Intérieur nous ont confirmé en outre que les 3 hommes appartenaient tous au groupe de Soliman, un groupe djihadiste qui a sévi dès 2006 dans le nord tunisien.

Décimé par les arrestations, une partie du groupe d’une douzaine d’irréductibles radicaux fut libérée en avril 2010 via des remises de peine. Une autre, celle dont des membres narguent le personnel de la Faculté des Lettres de la Manouba, libérée après la révolution à la faveur d’évasions et d’amnisties.

 

Cafouillages gouvernementaux

Une fois encore la communication du gouvernement laisse à désirer. Entre versions qui se contredisent et théories du complot indignes de représentants de l’Etat, l’opinion ne sait plus qui croire.

Hamadi Jebali, le chef du gouvernement, a tenté dans le ton de l’apaisement de minimiser la gravité d’évènements qu’il a qualifiés d’isolés et dit vouloir passer à autre chose, maintenant que le commando est neutralisé.

Moncef Marzouki blâme quant à lui l’insécurité aux frontières dont il fait l’un des objets de sa tournée de visites officielles aux pays du Maghreb cette semaine, selon un agenda panarabiste qui se précise de plus en plus.

Connu pour être proche de l’aile droite de son parti, Moncef Ben Salem, ministre de l’Enseignement supérieur, a jugé bon de s’exprimer à son tour.

Lors d’une réunion avec des entrepreneurs dans son fief sfaxien, il a déclaré qu’Interpol est en passe de révéler qu’une puissance étrangère est derrière le groupe neutralisé, et qu’elle tente de déstabiliser la Tunisie par tous les moyens.

Depuis les spéculations vont bon train : Syrie, Algérie, Iran… Les pronostics sont ouverts dans les réseaux sociaux.

C’est omettre l’essentiel. Cette énième distraction verse dans un certain état de déni quant au fait que le ver est dans la pomme : la mouvance salafiste reste ménagée par le nouveau pouvoir, Ennahdha peine à s’en distancier, et les amnisties présidentielles ont jugé bon de ne pas exclure le terrorisme de la liste des amnistiés.

Seif Soudani

Seif Soudani