Tunisie – Un nouveau sondage confirme la suprématie d’Ennahdha et l’indécision des électeurs

Un nouveau sondage crédite Ennahdha de scores encore plus hégémoniques et montre une indécision encore plus élevée chez les Tunisiens. Mais 65% des électeurs ne se prononcent pas encore. Et sur le tiers restant, une majorité importante vote Ennahdha. Ce parti est largement en tête des intentions de vote chez ceux des électeurs qui ont déjà pris leur décision.

Le dernier sondage d’opinion Sigma dont nous avions eu la primeur samedi 10 septembre révélait deux principales tendances : une nouvelle progression du parti islamiste, qui avec une prévision de 80 sièges à la Constituante se rapprochait sérieusement de la majorité absolue, et l’indécision des électeurs, qui même si elle est en légère baisse restait à 40%.

Mais voilà qu’un nouveau sondage politique enfonce le clou en marginalisant un peu plus les plus sceptiques. Réalisé durant la même période (8 septembre) par l’institut Emrhod, sur une commande du parti UPL, il a sondé quasiment 3 fois plus d’électeurs (6.400 contre 2.513 pour Sigma), et a employé la méthode du questionnement direct en face à face avec les sondés, contre la méthode téléphonique pour Sigma.

Cette fois Ennahdha aurait la majorité absolue selon Emrhod, avec pas moins de 120 sièges à la future assemblée… En intentions de vote, c’est un tonitruant 38% qui vient contredire à la hausse les 23% dont Sigma créditait le même parti.

Autre fait marquant, sur les 70 femmes qui feraient leur entrée à l’assemblée constituante, 53 d’entre elles seraient des élues d’Ennahdha.

Pour les autres partis, on y relève principalement une poussée de l’UPL déjà notée par Sigma, qui s’affirme désormais comme 4ème force politique du pays. Le PDP stagne aux alentours de 10%, Ettakatol progresse faiblement sans rejoindre ce dernier, confirmant également les tendances déjà relevées par la dernière enquête.

Une élection qui se décidera au tout dernier moment

Mais l’enseignement clé du dernier sondage en date, cela reste la très forte indécision à près d’un mois des élections. A 40% au total (sous toutes ses formes) selon Sigma, Emrhod la situe à plus de 50%… Ainsi, à la question « Avez-vous une idée pour quel parti vous allez voter ? », 52% des tunisiens répondent par non, et 13% ne se prononcent pas. Seul un tiers des sondés a déjà fait son choix.

Or, puisque par ailleurs 70% des tunisiens disent ne connaitre à ce jour aucun programme d’un parti politique, on peut en déduire que selon toute vraisemblance, c’est le vote identitaire et religieux qui est déjà acquis, décidé à l’avance tel un mécanisme d’identification quoiqu’il arrive.

Une situation qui fait dire unanimement à tous les analystes que le vote du 23 octobre prochain se décidera dans les tous derniers jours qui seront décisifs, les indécis pouvant considérablement changer la donne. Ce qui pousse les stratèges politiques à l’image de Cyril Grislain Karray, à appeler à « Ne pas voter pour voter, mais voter pour élire », allusion faite à la logique arithmétique qui voudrait qu’un vote « utile », efficace pour celui qui voudrait faire barrage à la domination d’un parti donné, devrait aller non pas nécessairement à sa formation politique préférée, mais au compromis de celle qui est suffisamment proche de ses idées, tout en étant en mesure de prendre un maximum de sièges au plus fort.

Chose qui fait craindre par ailleurs que le vote pour les listes indépendantes, étant donné la configuration actuelle du paysage politique, est un vote qui éparpille les voix du camp moderniste et fait indirectement le jeu d’Ennahdha.

Seif Soudani

Seif Soudani