Ouverture du procès de la Yemenia

 Ouverture du procès de la Yemenia

Rassemblement de proches des victimes de l’accident de Yemenia Airways, devant l’hôtel de ville de Marseille le 3 juillet 2009. GÉRARD JULIEN / AFP

Il y a 13 ans, un Airbus de la Yemenia Airways s’écrasait en mer après un atterrissage raté à proximité de Moroni, aux Comores. Le procès s’ouvre aujourd’hui, le 9 mai, au tribunal correctionnel de Paris et à Marseille, où une partie du procès est retransmis pour ceux, nombreux, qui résident dans la région.

 

Pendant un mois, la justice va examiner les responsabilités de la compagnie aérienne dans cet accident. Les 560 parties civiles veulent faire de ce procès celui des « avions poubelles ».

Dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, le vol Yemenia 626 s’est abîmé au large des Comores, juste avant son atterrissage à Moroni, avec à son bord 11 membres d’équipage et 142 passagers, dont 66 Français. Tous ont péri, une seule personne a survécu, une enfant de 12 ans.

Cet airbus vieux de 19 ans était interdit de vol en Europe. Pour autant, l’état de l’avion ne serait pas à l’origine du drame. Pour les juges d’instruction, deux failles majeures sont en cause. La première est logistique. La Yemenia airways a continué à effectuer des vols de nuit et ce malgré des pannes récurrentes dans l’éclairage des pistes. Ensuite, sur le plan humain, l’enquête pointe une formation des pilotes « lacunaire ».

225 000 euros d’amende

Les avocats de la défense plaideront l’innocence de la compagnie lors de ce procès qui se fera sans ses représentants. La Yemenia airways encourt 225 000 euros d’amende pour homicides et blessures involontaires.

Seule une adolescente de 12 ans, Bahia Bakari, a survécu en restant agrippée en mer pendant onze heures à un débris, avant d’être secourue par un bateau de pêche.

Pendant quatre semaines, la justice française va examiner des soupçons de « manquements et négligences » de la Yemenia Airways, qui opérait le vol.

« Treize ans, c’est long : c’est épuisant psychologiquement et moralement et même physiquement », déclare à l’AFP Saïd Assoumani, président de l’association des victimes. « Mais après treize ans d’attente et d’impatience, enfin le procès pénal est là ».

« Perte de contrôle »

Les boîtes noires avaient été repêchées quelques semaines après ce crash, le plus grave de l’histoire de l’archipel des Comores, entre le Mozambique et Madagascar, mais l’enquête est longtemps restée enlisée.

Les autorités françaises ont un temps reproché à leurs homologues comoriennes leur non-coopération, tandis que les familles des victimes ont accusé le Yémen de faire pression pour empêcher la mise en cause de sa compagnie nationale.

L’instruction a finalement conclu que l’état de l’appareil, un Airbus sorti d’usine en 1990, n’était pas en cause, ni la météo, la foudre ou un missile. Selon les expertises, fondées en particulier sur les enregistreurs de vol, l’accident est dû aux « actions inadaptées de l’équipage dans le cadre de l’approche de l’aéroport de Moroni, conduisant à la perte de contrôle de l’avion ».

« Au-delà de ces dramatiques erreurs imputables aux pilotes », cependant, la Yemenia a « failli à bien des égards », ont estimé les magistrats instructeurs. Il est reproché à la compagnie d’avoir maintenu les vols de nuit pour Moroni, malgré les pannes de longue date des feux de balisage de l’aéroport, ainsi que des « insuffisances » dans la formation des pilotes, qualifiée de « lacunaire ».

« Avions poubelles »

« La Yemenia reste profondément marquée par cette catastrophe, en particulier pour les victimes, néanmoins elle proteste de son innocence en indiquant qu’elle n’est nullement responsable des faits qui sont intervenus », soutient son avocat Me Léon-Lef Forster. « Il y a eu des dysfonctionnements, mais qui ne lui sont pas imputables et qui apparaîtront lors de l’audience », assure-t-il.

La jeune miraculée, qui a perdu sa mère dans le crash, doit témoigner le 23 mai. Au fil de reportages et dans un livre, Bahia Bakari a décrit avoir ressenti, à l’approche de l’aéroport, des « turbulences », avoir été comme « électrisée » puis avoir eu un « trou noir » avant de se retrouver dans l’eau.

Le procès sera aussi celui « des avions poubelles, le procès des manquements, de l’irresponsabilité, qui font que, avec la course aux profits, on arrive à des drames », veut croire M. Assoumani.

Les passagers français avaient embarqué à Paris et Marseille avant de changer d’avion à Sanaa, au Yémen. Au moment de l’accident, les conditions de voyage entre la France et les Comores, via le Yémen, étaient dénoncées de longue date par des passagers.

L’absence de représentant de la compagnie « ne pourra laisser aux familles et à la victime survivante qu’un goût amer », estime Me Sébastien Busy, avocat de l’association Fenvac, partie civile.

 

 

 

Chloé Juhel