Tunisie. L’UGTT décrète une grève générale dans la fonction publique

 Tunisie. L’UGTT décrète une grève générale dans la fonction publique

Siège de l’UGTT, Place Mohamed Ali – Tunis

En ces temps de crise économique aigue, l’annonce revêt une dimension tant sociale que politique : l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) annonce une grève générale dans les établissements du secteur public, jeudi 16 juin 2022, selon un préavis de grève publié hier 31 mai.

La centrale syndicale revendique essentiellement dans le texte du préavis le retrait de la circulaire gouvernementale n°20 du 9 décembre 2021, relative aux nouvelles modalités de négociations avec les syndicats. L’UGTT requiert par ailleurs « l’application de tous les accords signés avec le gouvernement Bouden et ses prédécesseurs », mais aussi « un démarrage immédiat de négociations sociales ayant pour objectif d’améliorer le pouvoir d’achat au titre des années 2021, 2022 et 2023 ».

 

Tous les ingrédients d’une escalade sans précédent

Autre doléance, l’UGTT appelle à entamer sans plus attendre la réforme des structures et des établissements publics « de sorte qu’ils puissent s’acquitter de leur rôle économique et social et éviter la privatisation partielle ou totale, conformément à l’accord signé entre le gouvernement et l’UGTT, le 22 octobre 2018 ». Les revendications consistent enfin en la suspension de l’impôt dit de contribution sociale de solidarité estimée à 1% du salaire des Tunisiens.

Ces demandes sont toutefois assorties d’un avertissement d’ordre politique. Dans une déclaration accordée aux médias nationaux, le secrétaire général de l’UGTT Noureddine Taboubi met en garde « contre toute politisation ou instrumentalisation des ministères de l’Intérieur et de la Justice ». Une affirmation sibylline qui laisse entendre que le bras de fer aurait commencé avec l’exécutif mécontent du récent boycott du dialogue national présidentiel par l’UGTT.

Sur les réseaux sociaux, des figures proches du Palais, à l’instar du juriste et ancien député Rabeh Khraifi, demandent ainsi expressément au président Kais Saïed de suspendre tous les traitements de faveur financiers et légaux dont bénéficierait la centrale syndicale.

 

Fitch Ratings appelle à un accord global en Tunisie

Dans son dernier rapport en date, publié le 30 mai à propos de la situation tunisienne, l’agence Fitch Ratings continue de pointer du doigt les tensions politico-sociales entre le pouvoir en place et les partenaires sociaux et syndicaux. Un rapport qui succède à celui de fin mars, lorsque la même agence de notation souveraine avait dégradé la note du pays pour la première fois de « B- » avec perspectives négatives à « CCC », soit deux paliers à la fois.

Pour Fitch, il est impératif qu’il y ait « une forme d’entente entre le gouvernement et l’Union générale tunisienne du travail », qualifiée d’« influente », en vue d’obtenir une nouvelle ligne de crédit du Fonds monétaire international. Cependant l’institution américaine demeure « préoccupée », un euphémisme de « pessimiste » en l’occurrence, soulignant que : « cela laisse présager, au mieux, d’une entrée effective de la Tunisie dans un programme du FMI à la fin du troisième trimestre de 2022 ».

Dans sa publication, Fitch réitère par conséquent sa mise en garde contre « le pourrissement de la situation politique et économique en Tunisie », dont la solution passe forcément par la signature d’un nouvel accord avec l’institution de Bretton Woods (le FMI), afin de combler le déficit budgétaire et éviter tout défaut de paiement.

Commentant l’actu récente, Fitch Ratings conclut en regrettant que « le refus de l’UGTT de participer au dialogue national proposé par le président de la République pour soutenir les réformes politiques, doublé à un appel à une grève générale dans le secteur public, montre une nouvelle fois le décalage de visions (entre le gouvernement et le syndicat) sur le programme des réformes.

 

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Seif Soudani