Un feuilleton tunisien relance le débat sur les droits des femmes

 Un feuilleton tunisien relance le débat sur les droits des femmes

Baraa, un thriller dramatique de 30 épisodes, bat des records d’audience

A la mi-ramadan, la polémique ne retombe pas à propos du feuilleton « Baraa » (innocence), diffusé en prime time sur la chaîne privée la plus regardée du pays. Le personnage principal de la série y joue le rôle d’une jeune femme de ménage qui consent à un mariage « orfi » qui fait d’elle de surcroît une seconde épouse.

 

Vent de panique et levée de bouclier générale en Tunisie, où figures publiques, militantes et militants féministes, ONG, associations et partis politiques continuent de s’indigner vivement du contenu du feuilleton phare de cette première moitié du ramadan. Ils demandent sa censure immédiate par la Haute instance de l’audiovisuel.

« Un effarouchement contre-productif » qui contribue selon les défenseurs de cette œuvre de fiction à entretenir le tabou autour de pratiques encore relativement répandues dans les sociétés tunisienne et arabe.

Mettre en scène un phénomène est-il le cautionner ?

Ce n’est pas la première fois que des œuvres de fiction sont clouées au pilori pour avoir mis en scène tantôt de la violence, de la délinquance, le grand banditisme, ou encore en l’occurrence des phénomènes de société passés sous silence. Chaque année, une partie du public, la plus vocale et visiblement la plus crédule, reçoit ces productions au premier degré et les accuse de glorifier ce qu’ils mettent en scène ou donnent à voir.

Dans Baraa, Baya, l’ingénue incarnée par l’actrice Ahlem Fekih, est un personnage complexe qui, au fil de la narration, se joue de l’union « orfi » pour la mettre à profit vers un « empowerment » qui la mène progressivement du statut de femme battue à une danseuse rebelle qui s’émancipe du joug de son époux tuteur.

Ce dernier, incarné par le grand acteur Fathi Haddaoui, est dépeint comme tartuffe aux limites de la caricature. Des considérations qui ne suffisent pas à convaincre les détracteurs de l’œuvre qu’ils considèrent comme « humiliante pour la femme tunisienne » et son statut avant-gardiste dans le code du statut personnel tunisien, le premier à avoir aboli la polygamie dans la région.

En pleine pré-campagne électorale, le parti d’inspiration bourguibiste PDL et sa présidente Abir Moussi se sont saisis de l’affaire pour avancer que « la banalisation de ces pratiques sociales a coïncidé avec l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans », accusant l’actuel pouvoir de fermer les yeux sur « l’agenda » de ce type de productions.

La présidente de l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT), Radhia Jerbi, a même sollicité le président de la République Kais Saïed au sujet dudit feuilleton, qui lui aurait apporté des gages de pérennité des acquis de la femme tunisienne.

Qu’importe la disproportion dans la surenchère répressive des néo-puritains, le producteur Sami Fehri a quoi qu’il en soit réussi son coup : faire parler de son sulfureux produit et empocher la mise juteuse des annonceurs.

 

Seif Soudani