30 ans de prison pour consommation de cannabis : peines allégées en appel

 30 ans de prison pour consommation de cannabis : peines allégées en appel

DR

Un seul des quatre prévenus dormira en prison au soir du procès en appel. Un immense soulagement pour les familles et les proches des jeunes Kéfois, dont trois avaient été condamnés en première instance à 30 ans de prison pour consommation de cannabis. La cour d’appel du Kef a réduit ces peines allant de 1 à 2 ans de prison. Deux d’entre eux sont ressortis libres ce soir.

La décision du tribunal du Kef en Tunisie de condamner à 30 ans de prison et de lourdes amendes trois personnes pour consommation de cannabis avait suscité un vif émoi. Jeunes Tunisiens, organisations de la société civile et même personnalités tunisiennes et étrangères n’avaient pas tardé à manifester leur indignation face à une peine jugée absurde et disproportionnée. Leur cas devenait emblématique des condamnations disproportionnées résultant de l’application de l’article 52 du Code pénal tunisien.

Ce mardi, la présidente de la cour d’appel s’est montrée réceptive aux plaidoiries des huit avocats représentant les différents accusés. Mais, ce n’est qu’en fin de journée que le tribunal a fait connaître la décision.

Le principal accusé, arrêté en possession de cannabis, écope d’une peine de 2 ans de prison. Les deux autres ont été condamnés à un an de prison pour simple consommation. Ce qui correspond au temps passé en prison depuis leur arrestation. Ils ont donc été libérés dans la foulée ce mardi soir.

À ces trois hommes s’ajoute un quatrième qui comparaissait libre. Il avait été arrêté au même moment près de stade où le groupe consommait ensemble du cannabis. Malgré l’absence de connexion avec la petite bande, il a été soumis à un dépistage de stupéfiant, dont le résultat positif lui a valu une peine de 5 ans de prison. La cour d’appel l’a finalement condamné à 3 mois de prison et 300 dinars (90 euros) d’amende.

 

La Loi 52 plus que jamais contestée

De nombreuses voix en Tunisie comme à l’étranger appellent depuis plusieurs années à la révision de la législation sur les stupéfiants. Ils dénoncent des lois taillées par l’ancien régime pour sévir contre la jeunesse. Le « verdict du tribunal de première instance a choqué l’opinion et a même fait les gros titres de la presse internationale », a rappelé Me Bouderbela, une des avocates de la défense.

L’article 52 prévoit en effet des peines plancher sévères pour la détention et la consommation de stupéfiant. Ces peines sont fortement revus en cas de consommation dans un lieu public, comme c’était le cas pour les jeunes du Kef. Le « législateur a jugé à la place du juge », a ainsi fait remarquer Me Ben Arfa en relisant les articles en question. Il « a ôté au juge son pouvoir d’appréciation », a-t-il critiqué en appelant à la sensibilité et à la conscience des juges face à lui.

 

« L’exemplaire démocratie tunisienne mérite mieux »

« Comment un tribunal tunisien peut-il condamner à 30 ans de prison ferme trois jeunes pour avoir consommé du cannabis, en vertu d’une loi de Ben Ali ? », s’était indigné Jack Lang, président de l’Institut du Monde Arabe. « L’exemplaire démocratie tunisienne mérite mieux. Je conjure les autorités tunisiennes d’intervenir pour éviter cette peine injuste », ajoutait-il.

La classe politique commence également à s’emparer du sujet. « Une erreur de jeunesse ne doit pas détruire leur avenir. Je m’engage avec d’autres collègues, à présenter dans les plus brefs délais un nouveau projet de loi. Nous allons œuvrer avec conviction pour la révision urgente de la loi. Ensemble, sauvons ces jeunes et rappelons-nous qu’ils ne sont pas des criminels, mais des cibles et des victimes de criminels qui eux, doivent être traduits en justice », a réagi le député et ancien ministre Hichem Ben Ahmed.

 

Rached Cherif