Inde : 6 morts lors de manifestations contre la loi islamophobe sur les réfugiés

 Inde : 6 morts lors de manifestations contre la loi islamophobe sur les réfugiés

Des étudiants de l’Université Jamia Millia Islamia manifestent contre le « Citizenship Amendment Bill ». STR / AFP


Six personnes ont péri depuis le début des manifestations dans le nord-est de l’Inde contre une loi facilitant l’obtention de la nationalité indienne par des réfugiés à condition qu’ils ne soient pas musulmans, selon un nouveau bilan annoncé, dimanche, par les autorités. 


L’Inde fait face à de nouvelles manifestations contre une loi sur la citoyenneté jugée discriminatoire à l’encontre des musulmans, donnant lieu à de violents heurts à New Delhi. Les heurts des derniers jours ont entraîné la mort de six personnes. Dimanche, le mouvement s’est étendu à plusieurs campus du pays, en réaction aux violences plus tôt dans la journée au sein de l’université Jamia Millia Islamia de la capitale.


Manifestants et policiers se sont affrontés à l’intérieur et autour de cette université qui compte parmi les plus prestigieuses du pays. Les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes et chargé la foule à coups de bâtons, tandis que les manifestants sont accusés d’avoir incendié quatre bus et deux véhicules de police. Des vidéos montraient des scènes de chaos à l’intérieur même des bâtiments de l’université, avec des étudiants ensanglantés. Selon la presse indienne, une centaine d’étudiants et une dizaine de policiers ont été blessés dans ces heurts.


« La police n’a pas fait la différence entre les manifestations et les étudiants assis à la bibliothèque. De nombreux étudiants et employés ont été blessés », a déclaré Najma Akhtar, directrice de l’établissement, à l’agence ANI. En solidarité avec les élèves de Jamia, des étudiants ont défilé dimanche soir dans de nombreuses universités indiennes.


 


Politique islamophobe du gouvernement Modi


Le « Citizenship Amendment Bill » à l’origine de ce mouvement de contestation a été approuvé la semaine dernière par le Parlement indien. Le texte facilite l’attribution de la citoyenneté indienne aux réfugiés d’Afghanistan, du Bangladesh et du Pakistan, mais à la condition qu’ils ne soient pas musulmans. Pour ses détracteurs, cette loi s’inscrit dans la volonté du pouvoir nationaliste hindou de marginaliser la minorité musulmane dans le pays de 1,3 milliard d’habitants. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a qualifié le texte de « fondamentalement discriminatoire ».


Cette législation islamophobe s’inscrit dans la continuité d’une politique discriminatoire envers les 14% de musulmans indiens. Le 5 août dernier, le gouvernement avait ainsi décidé par surprise la fin de l’autonomie du Cachemire indien, statut hérité de l’indépendance pour cette région à majorité musulmane. La fin de cette exception garantie par la Constitution indienne, suivi d’un black-out des télécommunications, avait été justifiée par le renforcement de l’unité nationale, mais a été vue par de nombreux observateurs comme une volonté d’affaiblir politiquement la minorité musulmane et comme un gage donné par la Premier ministre Narendra Modi à ses bases nationalistes.


Dans le grand État d’Uttar Pradesh (nord), les autorités ont coupé internet dans plusieurs zones après des manifestations à Aligarh, siège d’une grande université et d’une large population musulmane. Dans le Nord-est indien, région mosaïque en proie à des heurts intercommunautaires fréquents, les manifestants s’opposent à la législation au motif qu’elle entraînerait selon eux un afflux dans leur région de réfugiés hindous du Bangladesh frontalier. 6 000 personnes ont défilé dimanche soir en Assam, le principal État de cette zone, sans incidents majeurs.


Le Premier ministre a accusé le parti du Congrès (opposition) et ses alliés d’être responsables des troubles. Son bras droit, le ministre de l’Intérieur Amit Shah, a appelé au calme. « La culture, la langue, l’identité sociale et les droits politiques de nos frères et sœurs dans le nord-est resteront intacts », a déclaré le ministre dans un discours.


Des organisations de défense des droits humains et un parti politique musulman ont déposé un recours contre la loi devant la Cour suprême, en arguant qu’elle est contraire à la Constitution et aux traditions séculaires indiennes.


(Avec AFP)

Rached Cherif