Madrid. « Ce passé oublié est un outil de promotion de la tolérance », Irène Suarez

 Madrid. « Ce passé oublié est un outil de promotion de la tolérance », Irène Suarez

A Madrid, ce pan de mur d’enceinte de 120 mètres est l’unique vestige de l’ancienne forteresse autour de laquelle s’est développée la ville. Daniele Schneider / Photononstop / Photononstop via AFP

Madrid, fondée par l’émir de Cordoue Muhammed Ier vers 865, s’est d’abord appelée Mayrit. La plupart des édifices de cette époque ont disparu mais des traces des origines musulmanes de la capitale espagnole subsistent. Irène Suarez, l’historienne en charge des activités du Centre de recherche sur le Madrid islamique fait partie de ceux qui réhabilitent cet héritage méconnu. Entretien.

Pourquoi le passé musulman de la capitale espagnole est-il méconnu ? C’est la seule capitale européenne dont les premières pierres ont été posées sous une dynastie musulmane.

Dossier. Sur les traces arabo-musulmanes en Europe

Madrid. « Ce passé oublié est un outil de promotion de la tolérance », Irène Suarez
Irène Suarez, historienne, en charge des activités du Centre de recherche sur le Madrid islamique.

Peu de Madrilènes le savent. Cette histoire n’est pas suffisamment étudiée, et nombre des vestiges de cette époque ont été détruits au fil des rénovations urbaines visant à bâtir une identité plus européenne à la ville. La présence de communautés musulmanes dans la péninsule ibérique ne se limite pas au Moyen Age mais s’étend à l’époque moderne, d’où diverses influences encore palpables aujourd’hui.

Le Centre d’étude du Madrid islamique (Cemi) s’efforce de réhabiliter cet héritage matériel ou immatériel pour en faire un outil de promotion de la tolérance et de lutte contre le discours de haine estompant la dichotomie “eux-nous” établie entre les populations européennes et les communautés musulmanes.

Quels sont les vestiges encore visibles ?

Il reste hélas peu de traces remontant à la période d’Al-Andalus. La décision de Philippe II d’installer la cour à Madrid a induit la destruction de tous les édifices à caractère islamique jugés austères. Toutefois, miraculeusement, il subsiste un magnifique pan du mur d’enceinte de 120 mètres, le plus ancien monument madrilène.

De même, les fouilles archéologiques ont permis de dévoiler les qanats (canaux d’irrigation) andalous. Ceux aménagés sous la Plaza de los Carros, au cœur du quartier Latina, n’ont été étudiés qu’à la fin des années 1980. Non loin, se trouve un cimetière mentionné par les sources dès le XVIe siècle.

En 2006, des fouilles ont mis au jour une nécropole de 43 tombes du Ixe au XVe siècle. En 2019, deux sépultures musulmanes du XIIIe siècle ont été retrouvées lors de la restauration du Palais de la Duchesse de Sueca. Et puis, il y a aussi la tour de guet de la Plaza de Oriente.

Outre ces éléments remontant au califat, il y a l’art mudéjar, né plus tard de cette influence musulmane…

Absolument ! Rappelons que ce terme arabe désigne à l’origine les musulmans des territoires sous domination chrétienne. L’architecture mudéjar s’illustre à Madrid à travers un certain nombre de monuments situés dans le quartier historique comme l’église Saint-Nicolas des Servitas et la tour de San Pedro el Viejo, qui ressemble à un minaret. Mentionnons également la tour aux arcs de fer à cheval de la Casa de los Lujanes.

 

Fadwa Miadi