Edito – Iran. Le chaos ou le Mollah ?

 Edito – Iran. Le chaos ou le Mollah ?

Ayatollah Ali Khamenei., le 12 octobre 2022, à Téhéran. Photo : KHAMENEI.IR / AFP

Révolte ou révolution ? Cela dépend, si on s’en tient au récit occidental relayé par la presse mainstream, nourri à profusion de fakenews et de vidéos préfabriquées, c’est une véritable révolution qui menace les fondements même du pouvoir iranien, mais si on écoute la propagande du régime des mollahs, il s’agit juste de quelques activistes « espions de l’étranger » qui s’agitent sans conséquences majeures.

 

La réalité, c’est que les deux cents décès répertoriés par des ONG sont bien réels et les centaines de personnes qui ont été incarcérées depuis le début des manifestations déclenchées par la mort, le 16 septembre, de la jeune Mahsa Amini, à la suite d’un contrôle de la police des mœurs, sont elles aussi victimes de la répression mais croire que ces troubles feront tomber le régime, c’est bien sûr croire au père Noèl. 

La seule chose qui inquiète les ayatollahs, ce sont les guerres intestines entre l’aile dure des fondamentalistes et les différents services de sécurité qui ne sont pas toujours en bons termes avec la hiérarchie religieuse. 

Bien sûr, le timing de ces manifestations pourrait laisser penser que les mains de la CIA et du Mossad ne seraient pas étrangères à la flambée de violences qui secouent le pays. Surtout après les informations divulguées par le Washington Post selon lesquelles, Téhéran aurait décidé d’intensifier son aide militaire en livrant davantage de drones d’attaque et surtout plusieurs missiles balistiques après avoir fourni à Moscou les redoutables drones Mohajer-6 et Shahed-136, peints et rebaptisés, qui ont encore frappé Kiev.

>> A lire aussi : Maghreb – L’offensive des services secrets iraniens

L’Iran n’a-t-il que ce qu’il mérite ?

Oui, si on considère les ingérences des mollahs dans les affaires de nombreux pays, non, si on considère que les citoyens iraniens n’ont rien fait pour mériter la double peine, celle d’être sous la coupe des ayatollahs et celle de souffrir d’un blocus qui n’a aucun effet sur les classes dirigeantes mais qui met à genoux des pans entiers de l’économie et par conséquent la société. 

C’est bien connu, les sanctions occidentales n’ont jamais réussi faire tomber un régime et les Américains qui usent de ce procédé digne du Far West l’ont bien appris avec Cuba, la Corée du Nord et aujourd’hui avec la Russie, bien au contraire, plus un régime est soumis aux sanctions économiques, plus il perdure. Et pour ces régimes, les sanctions américaines, c’est du pain béni car cela lui permet de jouer sur la fibre nationaliste des populations et c’est bien connu, l’isolationnisme, c’est l’aboutissement logique des nationalismes. 

Dans son discours à l’Onu, le 20 septembre, Emmanuel Macron a évoqué la menace du « retour à l’âge des impérialismes », appelant à un nouveau contrat entre le Nord et le Sud ». De qui se moque le chef de l’Etat français qui n’hésitait pourtant pas alors que la rue s’embrasait en Iran à exprimer son « admiration » pour les manifestants en colère lors d’une émission de la chaîne de télévision France 2. Bafouant le devoir de réserve qui impose à un chef d’État de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays, fusse-t-il l’Iran.

Or si cette vaste révolte qui embrase la société iranienne au rythme du slogan « Femme, vie, liberté », a des motivations bien légitimes qui vont bien au-delà des revendications de libertés individuelles, dans un pays exsangue par le blocus occidental, il ne faut pas perdre de vue que toute destabilisation de ce pays plongerait cette population dans une détresse inouïe et donnerait un souffle nouveau à la mafia qui tient le pays.

Parler de mafia n’est pas exagéré tant le pouvoir à Téhéran reste géré dans une opacité sans précédent. A la tête de la pyramide, trône l’ayatollah Ali Khamenei, le chef suprême du pays depuis 1989 et qui reste la figure la plus puissante de l’Iran en tant que chef de l’État et commandant en chef des Forces armées. Le président de la République islamique d’Iran (Ebrahim Raisi) n’a aucun pouvoir  car l’ayatollah a la main sur la police des mœurs, sur le Vevak (services secrets) et sur le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), qui est chargé de la sécurité intérieure du pays. Fort de ses 150 000 hommes, le CGRI est désormais une force militaire, politique et économique majeure en Iran, avec ses propres forces terrestres, navales et aériennes, et supervise les armements stratégiques de l’Iran. Porteuse d’une idéologie expansioniste, 

cette organisation militaire a pour mission d’assurer la survie de la révolution, non seulement en Iran mais également à l’extérieur du pays. Je rappelle toujours cette anecdote qui m’est arrivée personnellement au cours de mon dernier voyage en Iran (qui remonte à 2002) quand j’ai exprimé mon étonnement de voir des panneaux d’indication à la sortie de Téhéran indiquant  Rabat (6762 kilomètres), Alger, Tunis …, on m’avait expliqué alors que la décision remontait à Khomeini qui avait ainsi juré d’exporter la révolution islamique à la sauce iranienne dans tous les pays musulmans !

C’est d’ailleurs pour cela que les gardiens de la révolution disposent d’une redoutable expansion à l’étranger, la redoutable Force Quds, secondée par les Basij, officiellement connus sous le nom de l’Organisation pour la mobilisation des opprimés, qui a été formée en 1979 en tant qu’organisation paramilitaire de volontaires qui fournit secrètement de l’argent, des armes, des technologies et des formations à ses alliés dans tous les pays du Moyen-Orient. Dernière trouvaille de ces barbouzes, l’alliance avec le régime d’Alger pour déstabiliser le royaume du Maroc, accusé d’avoir noué des relations approfondies avec Israël sous la supervision du Grand Satan

Les généraux qui tiennent le pouvoir en Algérie ont ainsi conclu une alliance de circonstance avec les services secrets iraniens qui fournissent désormais des armes au Polisario et envoient des instructeurs militaires du Hezbollah dans les camps de Tindouf pour familiariser les mercenaires sahraouis à la guérilla et aux attentats terroristes.

Liban, Syrie, Yémen et maintenant le royaume du Maroc dans le viseur des iraniens, finalement, aucun pays dans le monde n’aura fait autant de mal aux   musulmans que la république islamique !

>> A lire aussi : Point de vue – Révolution et contre-révolution ont-elles un sens en Iran ?

Abdellatif El Azizi