Edito. Mohammed Ben Salman : L’ami des journalistes

 Edito. Mohammed Ben Salman : L’ami des journalistes

Mohammed Ben Salman prince héritier d’Arabie saoudite. LUDOVIC MARIN / AFP

J’avoue avoir été particulièrement étonné du ton de cet individu qui a appelé aujourd’hui les bureaux de la rédaction du Courrier de l’Atlas à Paris, pour me menacer personnellement « au nom de l’Arabie Saoudite » pour un article que j’avais écrit sur Mohammed Ben Salman.

 

Je ne suis pas journaliste saoudien et je ne pense pas avoir un quelconque besoin de visiter un quelconque consulat d’Arabie saoudite dans un quelconque pays du monde. D’où la question : comment ce personnage, qui a vociféré à l’assistante au bout du fil « qu’ils allaient venir me chercher où je me trouvais ! », compte procéder pour me découper à la tronçonneuse comme cela a été le cas avec le journaliste Khashoggi ?

A moins que la mission soit confiée aux terroristes de Daech qui sont revenus au bercail en Arabie saoudite après avoir été missionnés pour s’assurer que le chaos était bien permanent en Syrie ou après avoir mis à feu et à sang ce pauvre Yémen plongé dans la préhistoire.  Auquel cas , je ne serai qu’un professionnel de plus à rajouter à la trentaine de journalistes emprisonnés dans la patrie du wahhabisme et répertoriés par l’ONG Reporters Sans Frontières qui vient de déposer une plainte en Allemagne pour crimes contre l’humanité visant le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed Ben Salmane.

L’ONG qui dénonce sa « responsabilité » dans l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi et l’emprisonnement d’une trentaine de confrères a choisi l’Allemagne parce que la justice de ce pays a déjà montré dans le passé qu’elle pouvait revendiquer une compétence internationale.

RSF a constitué un dossier volumineux (500 pages d’argumentation et de pièces inédites) qui enfonce bien le « fou » de Riyad. Car il faut le reconnaître, l’homme ne serait pas totalement maître de ses esprits.

Au cours de mes voyages au Proche-Orient, j’ai rencontré des personnalités de tous bords qui l’ont côtoyé personnellement et tous sont formels pour insister que le personnage a des tics et des réactions qui font douter de sa santé mentale. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que les décisions qu’il prend relèvent au mieux de l’aberration ou de l’égarement et au pire d’une véritable déraison.

L’occident politique peut, pour le besoin d’une realpolitik douteuse décider de ne pas punir le prince héritier saoudien pour le meurtre horrible de Khashoggi, même si l’administration Biden a bien publié un rapport de la CIA déclassifié qui concluait que le prince héritier avait donné l’ordre à l’équipe de responsables de la sécurité et du renseignement saoudiens de le tuer. Mais cela ne dédouanera guère Ben Salman qui aura désormais fort à faire avec les groupes de défense des droits de l’homme et des journalistes qui dénoncent cette impunité à géométrie variable.

Un sulfureux chef d’Etat qui use autant des hommes de Daech pour envahir un pays voisin, qui emprisonne tout ce qui bouge autour de lui, pratique une banalisation du mal que peuvent facilement lui envier les tortionnaires nazis, use d’un pervertissement totalitaire qui a désormais du mal à passer à l’ère des réseaux sociaux et autres lanceurs d’alerte. Des criminels sans culpabilité, au jusqu’au-boutisme meurtrier, fussent-ils chefs d’Etat, devront tôt au tard être appelés à répondre de leurs actes.

Comme pour Staline, Hitler ou Pol Pot, psychopathes avérés, Ben Salman restera dans les annales de l’empire des Al Saoud comme celui « qui a raconté une histoire, contée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien » (Shakespeare : Macbeth).

 

Abdellatif El Azizi