Elisabeth Moreno (Ensemble) : « Je rêve d’un Erasmus africain »

 Elisabeth Moreno (Ensemble) : « Je rêve d’un Erasmus africain »

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Visas, protection santé, rapatriement… Nous avons interviewé l’ancienne ministre et candidate Ensemble au second tour des législatives de la 9ème circonscription des Français de l’Etranger sur les actions à mener et son programme pour la communauté française installée au Maghreb et en Afrique. (Retrouvez également l’interview du candidat NUPES, le diplomate Karim Ben Cheikh ici)

La France a réduit drastiquement le nombre de visas pour les pays du Maghreb pour mettre la pression sur leurs gouvernements. Est-ce la bonne méthode pour entretenir des liens fraternels avec ses pays ?

Elisabeth Moreno : La meilleure méthode, c’est le dialogue. Le ministre de l’Intérieur et le Premier ministre ont beaucoup échangé avec nos partenaires. Nous avons une relation très soudée. Sur les visas, cela concerne les conventions bilatérales. Si elles ne sont pas respectées, cela pose problème. Je comprends les difficultés qu’ont vécu des familles binationales. Le dialogue devrait permettre aux choses de s’apaiser. Entre la crise sanitaire qui a mis les pays africains en grande difficulté et la géopolitique mondiale, nous avons d’autres enjeux à relever ensemble sans bras de fer.

La Covid a bouleversé la protection santé des Français de l’Etranger. De plus, en Côte d’Ivoire par exemple, près de 20% des Français n’ont pas de couverture santé. Que proposez vous pour eux, surtout en cas de nouveau confinement ?

Elisabeth Moreno : La pandémie nous a montré à quel point nous étions vulnérables. La protection sociale des Français de l’Etranger doit être à la hauteur de ce que l’on peut espérer quand on est en France. Elle doit aussi toucher le plus grand nombre. Cela passe par l’élargissement et le renforcement des CFE. Contrairement à ce que croit l’extrême-droite, il y a des Français à l’étranger qui vivent dans des situations de précarité. Il n’y a pas de raison que ces Français-là ne disposent pas d’une qualité de soins. Il n’est pas normal qu’ils doivent se poser des questions sur des changements de lunettes ou des frais dentaires..

Lors du confinement, de nombreux binationaux se sont retrouvés coincés dans leurs pays d’origine sans que la France ne les rapatrie. Comment comptez-vous agir si cela se reproduit ?

Elisabeth Moreno : On apprend en marchant. La France n’a pas toujours été la seule à vivre ses dysfonctionnements. Cela s’est passé dans le monde entier. Tout d’abord, nous devons savoir où sont les Français de l’Etranger. Actuellement, on compte 170 000 personnes. Je suis sûr que le chiffre est plus élevé. Tous les Français ne s’inscrivent pas sur les listes consulaires. Attendre qu’il y ait un problème pour se manifester est toujours complexe. Cela passe par des simplifications et l’automatisation de l’inscription sur les listes consulaires. Il faut qu’ils sachent que l’Etat pourra les aider s’il sait où ils sont. C’est un travail de fond que nous devons faire.

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La France compte près de 70% de binationaux dans les pays africains. Or, ils ont souvent l’impression d’être ignorés de leur francité quand ils sont dans leur pays d’origine. Comment pouvez-vous les rassurer sur leur avenir et la prise en compte de leurs questionnements ?

Elisabeth Moreno : Quand vous êtes binational, vous êtes de nationalité française. Vous avez raison et je l’ai moi-même ressenti. Quand on est Français de l’Etranger, on se sent ignoré et oublié par notre pays. Il n’y a pas de Français de seconde zone. Les droits doivent s’appliquer de la même manière que vous soyez français ou binational. Il nous faut construire des discussions solides un peu partout. Les services consulaires peuvent être, des fois, défaillants ce qui engendre une perte de confiance. Il faut que nous sachions où et ce que font nos ressortissants, leurs difficultés, etc.. Eux seuls peuvent nous les transmettre. Nous devons incorporer dans nos politiques publiques, un volet sur les Français de l’Etranger pour que personne ne soit oublié dans le dispositif.

Durant le confinement, de nombreux binationaux n’ont pas pu rapatrier le corps de leurs familles. Que comptez vous faire sur cette question ?

Elisabeth Moreno : De manière générale, le rapatriement des corps se passe bien. Les difficultés sont circonscrites à la période de la Covid. Dans l’avenir, je souhaite établir un groupe de travail, une task force qui prépare les temps de crise (changement politique dans les pays, crises sanitaires, etc…). Nous devons mettre sur la table tout ce qui n’a pas fonctionné et de créer un plan d’urgence qui sera mis en place si nécessaire.

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La France a multiplié par 10 les frais universitaires en France. Faut il y voir un signe de désengagement et d’évitement d’étudiants étrangers dans ses universités françaises ?

Elisabeth Moreno : Pas du tout ! On a la chance d’avoir une histoire avec ces pays de la 9ème circonscription. Beaucoup parlent le Français. Quand je travaillais avec des partenaires en Tunisie, au Sénégal ou en Algérie, j’appréciais le fait d’avoir des personnes qui parlent français. Je suis d’accord que les frais universitaires peuvent être cher mais j’insiste sur l’intérêt des entreprises à participer à cette formation et cette éducation. Nous n’aurons pas de difficulté à trouver des partenariats public-privé pour avancer sur ces sujets. On a besoin que les jeunes étudient. Je rêve d’un Erasmus africain de la même manière que nous avons les VIE ou VIA. Les jeunes qui ont une double culture sont l’avenir de demain. Ils sont plus ouverts et plus créatifs. C’est pour cela que je crois à la force des diaspora pour accompagner. Il y a des médecins de la 9ème circonscription qui ont été formés en France par exemple. On a beaucoup de binationaux qui sont dans le monde économique, culturel, politique, social. On a besoin des deux cotés de la Méditerranée qu’il y ait suffisamment de souplesse et de circulation en particulier pour les jeunes. C’est une richesse pour la France et une richesse pour le pays de résidence.

 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.