Elisabeth Moreno (Ensemble) : « Le destin de la France est lié à l’Afrique »

 Elisabeth Moreno (Ensemble) : « Le destin de la France est lié à l’Afrique »

DR

Education, Retraites, Francophonie,… Les sujets et débats sont nombreux pour la communauté française installée au Maghreb et en Afrique. L’ancienne ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, à la diversité et à l’égalité des chances et candidate Ensemble, Elisabeth Moreno a répondu à nos questions. Nous avons posé les mêmes au diplomate en disponibilité et candidat NUPES, Karim Bencheikh à retrouver ici.

Retrouvez aussi les autres sujets (visas, rapatriement, frais universitaires) dans notre magazine du mois de juin ici

Quel rôle souhaitez vous avoir en tant que élu(e) de cette zone : un(e) représentant(e) des Français de l’Etranger ou un pont entre la France et ses pays ?

Elisabeth Moreno : Les deux ! Outre ma connaissance de ce continent, j’ai été ministre depuis 2020. Le rôle d’une députée est de créer des ponts avec notre Nation mais aussi de faciliter la vie de ces Français de l’Etranger. Je veux mettre en œuvre les politiques qui vont leur faciliter la vie mais aussi échanger avec les institutionnels sur place pour améliorer les relations dans leurs pays de résidence. Il est essentiel que la députée englobe toutes les questions liées à leur expatriation. La députée est une porte-parole qui doit prendre à bras le corps ses sujets-là.

Le président Macron compte établir la retraite à 65 ans. Les Français de l’Etranger en subiront-ils aussi les conséquences sachant que leurs carrières sont hachées du fait de l’expatriation ?

Elisabeth Moreno : Par expérience, je sais que les Français de l’Etranger travaillent beaucoup plus que 65 ans. 63 ans est la moyenne où partent les Français à la retraite. Nous devons mener un travail de pédagogie. Nos opposants l’utilisent de manière fallacieuse pour faire croire que les Français travailleraient plus. Il y a un chantier colossal qui s’ouvre sur ses questions. Je participerais aux groupes de travail pour que l’on prenne en considération ses carrières hachées et la situation des Français de l’Etranger.

>>Lire aussi : 120 ans de Mission Laïque Française : « Quel monde d’après » ?

Concernant l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE), l’Etat s’est désengagé de 10% en 2018. Or, les frais d’inscription pour les écoles françaises sont élevés. Faut-il que l’Etat investisse plus dans cet organisme ?

Elisabeth Moreno : Cette question de l’éducation est le nerf de la guerre. Il faut que nos enfants à l’étranger accèdent au même niveau d’éducation qu’en France. Les frais de scolarité sont aujourd’hui inaccessibles pour beaucoup de parents. J’ai été cheffe d’entreprise au Maroc. Je me demandais toujours pourquoi les entreprises ne sont pas plus sollicitées davantage. Je veux créer des partenariats avec des structures pour accompagner l’éducation et pouvoir alléger la participation de certains parents qui sont désargentés. De plus, les parents ne peuvent être exclues de l’espace de gouvernance de l’école alors qu’ils sont pleinement concernés. J’ai même eu des retours selon lesquelles des enfants français ne trouveraient pas de place dans les établissements français. Il est important que l’on favorise l’éducation des enfants français dans les écoles françaises. C’est la meilleure manière de porter notre culture, notre langue et de rester connecté avec notre culture.

Comptez-vous demander une meilleure utilisation des bourses scolaires pour les français modestes de l’étranger ?

Elisabeth Moreno : La question est essentielle. J’ai besoin de comprendre pourquoi le système des bourses scolaires semble si compliqué pour certains parents. Les règles ne seraient pas assez claires et suffisamment transparentes. Ce n’est pas normal. Cela donne un sentiment d’injustice. Il faut que l’on travaille là-dessus avec tous les acteurs autour de la table. Je ne blâme personne. Quand des choses dysfonctionnent depuis un certain nombre d’années, c’est que parfois car on n’a pas mis les bons acteurs autour de la table pour permettre un accord. L’école me semble capitale et je compte travailler dessus en priorité.

>>Lire aussi : Les réseaux franco-maghrébins des candidats : atouts politiques ou simples faire-valoir ?

Le français perd du terrain au Maghreb et en Afrique. Or, le Président de la République souhaite le doublement des effectifs d’élèves (700 000, ndlr) pour 2030. Comment cela peut ‘il être possible ?

Elisabeth Moreno : Je trouve cela intéressant que dans nos écoles françaises au Maroc, nous ayons 70% d’enfants marocains. Cela prouve que nous avons une école de qualité. Pourquoi l’Essec ou d’autres grandes écoles s’installent elles au Maroc ? Je pense qu’il y a une reconnaissance internationale de la qualité de l’enseignement à la française. Il faut absolument le maintenir. La France rayonne au travers du monde par sa culture et sa langue. Cela passe par une question de moyens humains, financiers et des partenariats innovants. L’Etat ne peut pas tout. Il y a aussi les entreprises, les organisations internationales, européennes,…Nous devons frapper à toutes les portes. Je veux que l’on ailler chercher tous ses partenaires qui vont contribuer à l’essor de l’éducation française.

Une loi vient d’acter la suppression du corps diplomatique français en 2023. La France peut elle être le seul pays occidental sans diplomates professionnels ?

Elisabeth Moreno : Permettez-moi de corriger. Ce n’est pas la suppression du corps diplomatique. Ce que dit le président de la République, c’est qu’il nous faut élargir notre diplomatie. Evidemment que nous gardons notre corps diplomatique tel qu’il existe aujourd’hui mais nous l’ouvrons pour qu’ils soient plus inclusifs. Aujourd’hui, la diplomatie ne se fait plus comme il y a quelques années. Je veux par exemple instaurer dans la 9ème circonscription une diplomatie économique. Est ce que pour cela j’ai besoin de diplomates classiques et traditionnels ? Non. J’ai surtout besoin de talents, d’expertises et de connaissance du monde économique. La diplomatie se joue de manière multiple et diverse. Il faut utiliser les talents partout où ils se trouvent et diversifier notre force diplomatique pour aller parler à tout le monde.

>>Lire aussi : Sommet de la Francophonie en Tunisie : « il y a un réel embarras »

Le grand marché de demain est la francophonie avec ses 300 millions de locuteurs actuellement et 750 millions en 2050. Comment la France peut-elle agir pour améliorer une image qui s’est dégradé avec le temps en Afrique notamment ?

Elisabeth Moreno : Notre pays reste la 7ème puissance économique mondiale. La francophonie est un espace où des millions de gens parlent la même langue et créent des projets dans des pays différents. Le dialogue favorise la confiance. Le destin de la France est intimement lié avec l’Afrique. Tout comme le destin du continent africain est intimement lié avec la France. Il y a un peu plus d’1,5 millions de marocains qui vivent en France. Des dizaines de milliers français vivent au Maroc. Derrière la grande Histoire et les combats idéologiques que certains voudraient mener, il y a des histoires humaines, des familles que l’on risque de briser. Il faut partir de l’humain pour créer les politiques publiques nécessaires. Je me considère comme cette binationale qui sait que les liens humains doivent passer avant tout le reste.

Vous pouvez retrouver les autres sujets (visas, rapatriement, frais universitaires) dans notre magazine du mois de juin ici

Sont également candidats dans la 9ème circonscription des Français de l’Etranger : Karim Ben Cheikh, Mohamed Oulkhouir, Thiaba Bruni, Camille Zouon, Fatou Sagna Sow, Ludivine Sordet, Nathalie Amiot, Ahmed Eddaraz, Jean-Claude Fontanive, David Azoulay, Nacim Bendeddouche, Oumar Ba, Samira Herbal, Sébastien Perimony, Naïma M’Faddel, Rachida Kaaout, Hassan Ben M’Barek, Emilie Marches-Ouzitane, Jean-Claude Martinez, Mehdi Reddad

 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.