Exposition à l’IMA : Ce que la Palestine apporte au monde. Vernissage le 31 mai

 Exposition à l’IMA : Ce que la Palestine apporte au monde. Vernissage le 31 mai

Dotées d’humour noir, les œuvres tentent de surmonter le joug de l’oppression, en adressant un récit cynique parfois ludique des rapports de domination

L’Institut du monde arabe fait découvrir par le biais de cette grande exposition, Ce que la Palestine apporte au monde. C’est à dire, l’élan et la vitalité de la création palestinienne qui s’élabore dans les territoires ou dans l’exil. 

Depuis 2016, l’IMA abrite la collection du futur Musée national d’art moderne et contemporain de la Palestine. Une « collection solidaire » de quelque 400 œuvres constituée de dons d’artistes, réunie à l’initiative d’Elias Sanbar, écrivain et ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco, et coordonnée par l’artiste Ernest Pignon Ernest.

En 2023, l’Institut a choisi de promouvoir l’effervescence culturelle que la Palestine ne cesse de révéler et d’entretenir.  Un cycle de trois expositions met en avant les artistes modernes et contemporains palestiniens, dans un dialogue avec leurs homologues du monde arabe et la scène internationale.

Les Palestiniens et Palestiniennes en leurs musées

En apportant le monde en Palestine et en montrant la Palestine au monde, l’exposition croise deux projets palestiniens avec la collection du musée de l’Institut du monde arabe.

Le projet du Musée Sahab (« nuage » en arabe), porté par le collectif Hawaf a pour ambition de rebâtir une communauté à Gaza, partie prenante dans la construction de ce musée par le biais d’ateliers réunissant artistes de toutes les disciplines et habitants. À l’aide des technologies de la réalité virtuelle et la création d’œuvres d’art digitales autour du patrimoine palestinien, le musée sera accessible aux publics de Palestine et du monde. Au cœur de Gaza, à la galerie Eltiqa, quatorze artistes ont été invités par le collectif Hawaf, à participer à l’un des premiers workshops du Musée Sahab : L’Atelier du nuage.

De février à avril 2023, une nouvelle génération d’artistes nés entre 1990 et 2000 qui se sont réunis pour réaliser la première œuvre de ce musée-en-devenir.

Quant à la collection moderne et contemporaine du musée de l’IMA, elle inclut des œuvres d’artistes, hommes et femmes, palestiniens et du monde arabe témoignant et dénonçant le sort fait au peuple palestinien depuis la Nakba en 1948.

Les œuvres exposées sont soutenues par la voix de Mahmoud Darwich, « Éloge de l’ombre haute », qu’il avait déclamé devant le parlement palestinien en exil à Alger, en février 1983. Sa poésie n’a cessé de guider nombre de plasticiens, de toutes nationalités, qui font écho à la lutte palestinienne pour retrouver une liberté sur une terre dont une population a été dépossédée.

Images de Palestine : une Terre sainte ? Une terre habitée !

Les deux registres d’images de cette exposition, prises au XIXe siècle et de nos jours, partagent une réalité commune, la Palestine. Pourtant, tout distingue ces deux ensembles par-delà leur « différence d’âge ». Ce sont deux modes du voir, deux conceptions de la Palestine. Mis en dialogue, ces deux regards montrent chacun à leur manière, la quête des Palestiniens vers la réappropriation de leur propre récit.

Le premier regard, orientaliste, aura de lourdes conséquences des décennies durant, faisant de la Palestine une Terre sainte, figée dans le temps, prisonnière d’un passé jamais révolu, promise à une quête infinie d’une gloire ancienne, en attente de ses « sauveurs « légitimes », missionnaires et colons, pour revenir à la vie.

Le second regard est celui de 14 photographes contemporains palestiniens qui livrent des images « habitées » de leur terre. Fondés sur leurs expériences intimes, ces artistes proposent des visions incarnées et dynamiques sur la vie quotidienne en Palestine, loin de toute victimisation ou héroïsation. Dotées d’humour noir, leurs œuvres tentent de surmonter le joug de l’oppression, en adressant un récit cynique, ludique et visionnaire des rapports de domination. Entre photojournalisme et photographie d’art, documentaire ou conceptuelle, ils se réapproprient l’espace public, par le geste créatif et la performance corporelle, comme acte de résistance.

Les valises de Jean Genet

Quinze jours avant sa mort, en avril 1986, Jean Genet remet à son avocat Roland Dumas deux valises de manuscrits. À première vue, un fouillis de lettres, de factures d’hôtel, de notes sur tout et sur rien. Mais les valises abritent également les traces vives d’un compagnonnage de seize années avec les Black Panthers et les Palestiniens.

Une autre histoire s’y dissimule encore : l’histoire d’un écrivain qui, à l’âge de 50 ans, renonce à la littérature. Que fait-il alors de sa vie ? Et qu’est-ce qu’écrit un écrivain qui n’écrit plus ? À cette question, les valises apportent une réponse : malgré lui, malgré son vœu de silence et sa « bouche cousue », Genet écrit. Il écrit sur tout ce qui lui tombe sous la main, enveloppe, papier à lettre d’hôtel, bout de journaux déchirés.

Et, un jour, mystérieusement, de ces milles notes éparses, surgit le manuscrit d’une œuvre qui va conjuguer, comme aucune autre, littérature et politique, et nouer la grande aventure des Black Panthers et des « feddayins » avec le récit de la vie d’un enfant de l’Assistance publique.
Un mois après la disparition de Jean Genet parait Un captif amoureux, le plus grand livre écrit par un auteur occidental sur les Palestiniens en lutte. C’est ce cheminement secret qu’éclaire cette exposition à travers des manuscrits jusqu’alors totalement inconnus.

De cet itinéraire, les valises donnent à lire les étapes, des premiers tâtonnements jusqu’aux reflets de sa rencontre avec le peuple palestinien, devenue sa préoccupation majeure et l’objet central de son livre testamentaire.

Jean Genet n’a pas manqué de contribuer à la Revue d’études palestiniennes, notamment avec un puissant témoignage après les massacres dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila, en 1982. La Revue lui a rendu un vibrant hommage dans son édition d’avril 1997.

Une programmation animée de concerts, colloques, ateliers, cinéma, rencontres littéraires, qui se déploie du 31 mai au 19 novembre 2023. C’est tout l’IMA qui se met à l’heure palestinienne !

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Mishka Gharbi