Bagnolet – Le local de la discorde

 Bagnolet – Le local de la discorde

Installée à Bagnolet


 


Installée en mars 2014 dans un préfabriqué de la ville par l’ancienne municipalité, l’association Nubienne de France est, depuis l’arrivée du maire socialiste, priée de quitter les lieux. Une situation insupportable pour une association active qui se dit victime d’islamophobie de la part de certains habitants influents du quartier de la Dhuys. Samedi 9 avril se tiendra la projection du film, "Si nous avions été des statues" à 18h30 suivi d’un débat en présence d’Anne Terrasse, réalisatrice et de Frédérique Fogel, anthropologue au CNRS.


 


Le bras de fer dure depuis plus d’un an entre la mairie socialiste de Bagnolet et l'Association nubienne de France, installée sur la commune depuis 2004. Avant 2014, la président Hussein Gamal, cadre à l’ambassade égyptienne, accueillait les nombreux membres, « 200 aujourd’hui », dans son pavillon de la commune. D’utilité publique, l’association « veut transmettre cette culture et la sauvegarder » autour de projections, débats, conférences mais pas seulement. Du soutien scolaire est également organisé à destination des plus jeunes.


En mars 2014, l’ancien maire de la commune leur accorde un local via un bail précaire d’un an, « une convention d’occupation précaire signée une semaine avant la tenue des élections » nous précise la nouvelle municipalité. Ce préfabriqué situé dans le quartier de la Dhuys, était laissé à l’abandon depuis des années. « Nous nous sommes occupés de faire tous les travaux » nous explique Hussein Gamal, « nous en avons eu pour 50.000 euros de notre poche, il fallait refaire toutes les fondations, c’était une ruine ».


Une remise à neuf qui ne passe pas inaperçue dans le quartier. Pierre Mathon, ancien élu  sur la ville, et sa compagne Hélène Zanier, qui tiennent un blog, "Bagnolet en Vert", écrivent un courrier au maire pour demander de récupérer les locaux afin d’y installer une maison de quartier. En septembre 2014, l’association Nubienne reçoit un courrier leur demandant de quitter les locaux, « en septembre alors que le local leur était à eux jusqu’en mars 2015 » s’étonne Youcef Brakni du collectif contre l’expulsion des Nubiens à Bagnolet, « avant il n’y avait aucune demande de leur part mais dès que les Nubiens se sont installés, il fallait le récupérer ».


Contactée par Le Courrier de l’Atlas, la mairie conteste avoir subi des pressions et explique son choix, « nous n’avons rien contre cette association, dans notre programme municipal, nous nous sommes engagés à ouvrir une maison de quartier ici ». A la base, la maison de quartier devait être ouverte dans un énorme bâtiment à quelques mètres d’ici qui a finalement été entièrement dédié à une salle de boxe par l’ancienne municipalité.


 


« Ils nous ont proposé une cave »


En mars 2015, la mairie conçoit de laisser les locaux quelques mois de plus, « afin qu’ils terminent l’année scolaire » nous explique-t-on à la mairie. Depuis, la bataille a lieu devant les tribunaux, « ça fait un an qu’ils refusent de rendre les locaux malgré la décision du tribunal administratif de Montreuil qui estime que la ville est dans son bon droit ». Une décision contestée par l’association, « le juge ne comprenait pas l’urgence », qui a décidé de faire appel devant le Conseil d’Etat. 


Désormais défendue par l’avocat Gilles Devers, l’association est encline à changer de lieu mais les propositions de la mairie n’ont pas aidé, « tout d’abord une cave avec des jeunes qui vendaient de la drogue juste au dessus, alors que des enfants viennent chez nous ?! » s’interloque le président de l’association, « puis un local très sombre avec beaucoup de travaux. Nous devions payer 1200 euros de loyer et faire 35.000 euros de travaux de notre poche ».


Une situation ubuesque pour Youcef Brakni qui rappelle « qu’aucune association de Bagnolet ne paye de loyer sur la commune ». A la mairie on conteste, « ce n’est pas nous qui demandions un loyer mais l’OPHLM » et réfute que le local ait été attribué à l’association Ya Pulka sans aucune compensation financière, « nous ne l’avons pas attribué ! ».


 


Apéro pinard pour les uns, galette des rois pour les autres


Dans ce quartier pavillonnaire de la ville, la présence de Nubiens et donc de musulmans dérangerait certains habitants du quartier. Notamment Pierre Mathon et sa compagne Hélène Zanier qui en ont fait part sur leur blog et les réseaux sociaux. A propos d’un rassemblement festif organisé par l’association des Nubiens de France, le premier nommé parle « d’un rassemblement islamiste ». Un discours qui porte ses fruits comme certaines conversations facebook peuvent le laisser croire. Pour Marie-Laure Brossier conseillère municipale à Bagnolet, partageant certaines idées de Pierre Mathon à ce sujet, l’attribution des locaux aux Nubiens de Bagnolet, « n’est qu’une décision communautariste de plus de l’ancienne municipalité » et selon elle, il n’aurait « même pas fallu proposer d’autres locaux à cette association ».


A l’association, on rappelle qu’il y a peu, Pierre Mathon et différents acteurs du quartier sont venus devant les locaux pour manger une galette et boire des bouteilles d’alcool, « une provocation de plus pour des gens qui ont toujours essayé de bloquer la construction de mosquées ». « Ca rappelait à s’y méprendre les apéros saucisson-pinard de l’extrême droite » ajoute Youcef Brakni. « Ca n’a rien à voir » rétorque le cabinet du maire, « il s’agissait juste d’une galette des rois organisée par le conseil de quartier ».


Ce local, « où d’autres associations viennent se réunir » est appelé à disparaître… d’ici deux ans. Un projet immobilier doit voir le jour à cet endroit.  Pourquoi cette précipitation alors ? « On travaille à construire une maison de quartier temporaire à cet endroit là mais avant il faut effectuer des travaux de sécurisation » affirme la mairie. « Une maison de quartier pour venir manger une galette et boire une bouteille » s’interroge Hussein Gamal qui rappelle que son association est très active et organise de nombreux évènements.


Si à la mairie on se déclare « prêt à intégrer l’association nubienne à la future maison de quartier » un courrier au Préfet a déjà été envoyé afin de récupérer les locaux.En attendant la décision du Conseil d’Etat, le bras de fer continue. Samedi 9 avril, une projection débat autour du film, "Si nous avions été des statues" se tiendra dans le local de la discorde. Et le collectif de soutien à l’association nubienne prévient déjà, « nous ne lâcherons rien ».


 


Jonathan Ardines


Quelques images des activités de l'Association Nubienne de France dans le local de Bagnolet




Jonathan Ardines