« Ils nous critiquent et viennent se mettre à table autour du CFCM »

 « Ils nous critiquent et viennent se mettre à table autour du CFCM »

Abdallah Zekri


 


La nouvelle instance de dialogue autour de l’Islam va se réunir pour la première fois, ce lundi 15 juin. Au menu, islamophobie, formation civile des imams, abattage rituel ou sécurisation des lieux de culte. Abdallah Zekri, membre du bureau exécutif du CFCM et président de l’Observatoire national de l’islamophobie sera aux premières loges. Confiant, il évoque ce "renouveau", tout en égratignant les pourfendeurs du CFCM. Interview.


 


LCDL : A quoi va ressembler cette nouvelle instance de dialogue ?


Abdallah Zekri : Cette instance de dialogue va se réunir deux fois par an. La première réunion, ce 15 juin, se tiendra sous l’égide du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur.  Quatre commissions vont se réunir (islamophobie, surveillance des lieux de culte, formation des imams, etc).


Après le débat, les rapporteurs exposeront en plénière les problèmes soulevés. Pour l’islamophobie, dont je suis spécialiste, on va soulever les problèmes des actes anti-musulmans, de la cyber-haine, de la discrimination, de l’image de l’islam…


 


Le CFCM sera au cœur de cette nouvelle instance.


Le ministre l’a dit, "le CFCM est la colonne vertébrale de l’instance" puisque tout le bureau est convié. Il y aura également les 25 présidents des Conseils régionaux du culte musulman (CRCM). Mais il y aura aussi les imams des grands lieux de culte, comme celui de la mosquée de Lyon ou d’Evry. L’instance sera composée de 151 membres.


 


Il y aura donc des "imams modérés" comme Hassen Chalghoumi…


Il en fera partie. Parmi ces imams il y aura aussi des imams autoproclamés. Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est que certains qui passent leur temps à critiquer le CFCM vont venir. Je n’ai jamais dit que le CFCM n’avait pas de faiblesse mais le CFCM fait un travail. Le bureau du CFCM et les représentants régionaux sont des gens élus. Environ 1000 mosquées ont participé aux élections du CFCM.


Certaines personnes comparent à la télévision le CFCM à une mafia, l’accusent de ne pas avoir tenu son rôle, et viennent se mettre à table autour du CFCM. Ils n’ont pas le courage de dire "je ne suis pas d’accord je ne viens pas".


 


Vous craignez des débordements ?


C’est une instance de dialogue et pas une instance de confrontation, si certains viennent juste pour attaquer le CFCM, c’est autre chose. Je ne le permettrai pas, qu’ils fassent leurs propositions et c’est terminé.


 


Vous partagez l’avis de Tareq Oubrou (recteur de la grande mosquée de Lyon) qui pense que « cette instance va rendre service à l’islam ». Le ministre de l’Intérieur vous a convaincu ?


Le ministre est de bonne foi, ce n’est pas de la flatterie, j’en ai connu une dizaine de ministres de l’Intérieur. Bernard Cazeneuve est à l’écoute, il répond, il prend des décisions. Le fait d’ordonner aux préfets de dire au Parquet de poursuivre immédiatement des gens qui commettent des actes contre l’islam, de se constituer partie civile, aucun ministre ne l’a fait. Il reconnaît les actes islamophobes et a déclaré qu’il s’attaquerait aux hommes politiques et aux maires des villes qui interdiraient aux femmes voilées l’accès aux piscines ou aux jardins publics. Il y a quelque chose de positif.


 


Quelles sont vos priorités pour cette nouvelle instance de dialogue ?


D’abord essayer d’assainir le système audiovisuel, actuellement on invite des charlatans pour parler au nom des musulmans. L’Islam a une mauvaise image car les médias passent leur temps à montrer des images sur la Syrie, sur l’Irak, sur le terrorisme. Pour le français moyen, c’est ça l’islam. On parle des attentats, ou des crimes mais ils oublient que les premières victimes de Daesh ce sont les musulmans. Il faudrait que le CSA s’en occupe.


Ensuite nous faisons des bilans des actes islamophobes chaque trimestre mais on aimerait avoir des résultats. Qu’a fait la justice ? Parfois on arrête des gens coupables d’actes islamophobes et avant même de les juger on leur trouve des circonstances atténuantes, il est malade alors qu’il n’est même pas passé devant un psychiatre. Le même acte commis par un Français de confession musulmane et une autre de souche n’entraîne pas la même peine. Il y a là une discrimination, il faut en finir avec le deux poids deux mesures.


 


Propos recueillis par Jonathan Ardines

Jonathan Ardines