Marseille n’aura pas sa grande mosquée

 Marseille n’aura pas sa grande mosquée

La mairie veut résilier le bail du terrain qui devait accueillir la future grande mosquée de la Cité phocéenne.


La grande mosquée de Marseille ne verra jamais le jour. Dans cette ville qui compte environ un quart d'habitants musulmans : la mairie a pris la décision de résilier le bail du terrain où elle devait être construite. Elle met ainsi un terme à un projet vieux de neuf ans et déjà moribond porté par une association qui a accumulé les arriérés de loyers dus à la mairie.


 


Aucun chantier entamé en sept ans


Lundi, le conseil municipal doit notamment se pencher sur le rapport 235, qui porte sur la « résiliation du bail emphytéotique administratif conclu par la ville de Marseille au bénéfice de l'association La mosquée de Marseille pour l'édification d'une mosquée ». La ville avait consenti ce bail de 50 ans en 2007 pour un terrain de 8 000 m2 sur le site des anciens abattoirs au nord de la ville, dans le 15e arrondissement.


La ville évoque plusieurs raisons pour la résiliation du bail, révélée par le quotidien La Provence mardi. « Depuis 2013, nous avons des soucis de recouvrement » des loyers, a expliqué Marie-Agnès Caradec, l'adjointe à l'urbanisme en charge du dossier : « Aujourd'hui, les dettes cumulées s'élèvent à 62 000 euros », soit trois ans de loyer.


D'autre part, « un permis de construire a été délivré en 2009. Le bail prévoyait sept ans pour construire la mosquée. Aujourd'hui, rien n'a été entrepris », poursuit Mme Caradec. Le projet, lancé il y a presque 10 ans, n'a en fait jamais dépassé le stade de la première pierre. En 2010, après avoir réglé des problèmes de parking – le projet initial n'en avait pas prévu – et malgré des recours déposés en justice par des opposants, cette première pierre avait été posée. En 2013, le chantier était officiellement lancé. Mais, faute de financement et sur fond de dissensions au sein de l'association porteuse du projet aux côtés de la mairie, il n'a jamais réellement commencé.


 


L’association « ligotées » par la mairie


Aujourd'hui, le terrain est à l'abandon et les bâtiments actuels ne sont toujours pas rasés, l'association n'ayant pas réuni l'argent pour entamer les travaux. « Nous ne savons même pas si l'association a souscrit une assurance », déplore Mme Caradec, qui rapporte que l'association « ne répond à aucun courrier de mise en demeure ». La mairie a envoyé le 4 août une lettre donnant un mois à l'association pour lui répondre, sans effet, assure-t-elle.


« Pour l'instant, ce n'est pas une décision, (mais) la mairie l'envisage », veut croire de son côté le président de l'association, Abderrahmane Ghoul, au sujet de la résiliation. Pour expliquer le fiasco, il reproche pêle-mêle à la mairie d'avoir fait main basse sur le projet et provoqué la fuite des donateurs : « Ils nous ont ligotés par des conditions qui ne nous offrent aucune liberté d'action, ce qui n'encourage pas à s'engager dans ce projet, qui reste sous tutelle de la mairie ».


En ce qui concerne le loyer, il assure avoir payé « pendant 7 ans » les 24 000 euros de loyer annuel. « On a cessé de payer. La situation (financière de l'association) est difficile, mais ça fait 4 ans que j'envoie des courriers au maire pour trouver d'autres solutions, sans réponse », jure-t-il.


 


70 mosquées à Marseille


La cité phocéenne compte quelque 220 000 musulmans, sur 850 000 habitants, dont 70 000 pratiquants, selon une estimation établie à partir de données du Conseil régional du culte musulman (CRCM) et de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Elle abrite également environ 70 mosquées et salles de prière officielles, toujours selon le CRCM.


« Marseille a besoin d'une grande mosquée », juge Abderrahmane Ghoul. Cette décision, « c'est un symbole, au moment où on est en train de faire tout pour combattre la radicalisation des jeunes ». « Il y a des solutions, mais pour cela, il faut qu'on soit tous autour d'une table », regrette-t-il.


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif