« Pour moi, la lutte contre l’homophobie, l’islamophobie, ou tous les autres racismes, c’est le même combat », Julien Pontes, ancien président du Paris Foot Gay.

 « Pour moi, la lutte contre l’homophobie, l’islamophobie, ou tous les autres racismes, c’est le même combat », Julien Pontes, ancien président du Paris Foot Gay.

Lancien président du Paris Foot Gay


Julien Pontes est l'ancien président du Paris Foot Gay, une association fondée en 2003 pour lutter contre l'homophobie dans le football et le sport en général et qui n'existe plus depuis 2015. La faute, selon ses dirigeants, à "l'indifférence, la peur des institutionnels à s'engager réellement, la honte pour certains à traiter ce sujet". En ligne de mire, la Fédération française de football (FFF), la Ligue de football professionnel (LFP) mais aussi les autorités publiques, comme le ministère des Sports. 


Aujourd'hui, Julien Pontes travaille au cabinet du maire d'Ivry (94), en banlieue parisienne. Il continue son combat pour faire évoluer les mentalités. Mardi 19 décembre, son interview vidéo, postée sur la page du magazine So Foot a déclenché un torrent d'injures homophobes. Quand certains tentent de stigmatiser une certaine catégorie de population, lui aime répéter que les homophobes sont issus de tous les milieux. Pour le Courrier de l'atlas, Julien Pontes a accepté de répondre à nos questions.



LCDL : Vous semblez un peu désabusé …


Julien Pontes : Effectivement. Pendant l'élection présidentielle, je me suis engagé auprès de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon pour que la question de l'homophobie soit prise en compte davantage mais cela n'a pas été le cas. Il y avait dans leur programme plusieurs volets. Un concernait le racisme et l'islamophobie, ce qui est très bien. Un autre, très "fourre-tout", l'homophobie ou le droit de mourir dans la dignité. J'ai encore du mal à voir le rapport entre les deux. J'ai surtout senti un désintérêt des dirigeants. Pas des militants qui eux se sont sentis et se sentent encore concernés par cette question. Aujourd'hui, il faut attendre une agression pour qu'on reparle de l'homophobie…


Vous êtes aussi déçu du gouvernement…


Oui. Beaucoup d'effets d'annonce, mais encore une fois peu d'actes.


En août prochain, la France accueillera la 10e édition des Gay Games, les jeux olympiques pour homosexuels…


Oui, voilà pour les actes du gouvernement ! J'appelle ça du "pinkwashing". Le gouvernement fait la promotion de cet événement pour essayer de modifier son image et sa réputation dans un sens progressiste, tolérant et ouvert. Hollande avait promis la PMA pour tous (NDLR: procréation médicalement assistée) mais ce n'est plus à l'ordre du jour  !

Ce pinkwashing me fait penser un peu à ce qu'il se passe en Israël. Là-bas, comme l’a bien montré le journaliste Jean Stern, il y a une campagne de communication des autorités israéliennes, qui aime bien mettre en valeur Tel Aviv-Jaffa, "ville tolérante et ouverte", pour masquer le fait que 47 % des Israéliens considèrent l’homosexualité comme une maladie…


Vous êtes aussi contre les Gay Games pour d'autres raisons…


Oui. Encore une fois, "on" va rester entre nous. Alors qu'il faudrait faire carrément l'inverse. Je comprends mal le concept de convaincre ceux qui sont déjà convaincus ! Je préfère aller à la rencontre des autres. De ceux qui ont encore des préjugés sur l'homosexualité.


C'est ce que vous avez essayé de faire quand vous étiez à la tête de Paris Foot Gay : créer les rencontres…


Oui. Il nous arrivait d'organiser des tournois au Parc des princes où on invitait des gamins, filles et garçons, âgés de 7 à 15 ans. Des joueurs de football français comme Vikash Dhorasso ou Lilian Thuram nous accompagnaient. On diffusait aussi des vidéos de grands joueurs qui faisaient leur coming out afin de montrer aux jeunes qu'une orientation sexuelle différente ne rend pas maladroit. On peut être homosexuel et marquer énormément de buts !

Il nous arrivait aussi d'organiser des formations pour les éducateurs sportifs. Nous savons qu'il n'est pas évident pour certains professionnels de parler de l'homosexualité, surtout à des ados.


Une  certaine partie de la société française explique que les habitants des quartiers populaires, plus explicitement les noirs et les arabes, ou encore les musulmans seraient des homophobes en puissance. Qu'en pensez-vous ?


Je leur réponds qu'ils devraient se souvenir de la manif pour tous. L'immense majorité de celles et ceux qui sont allés manifester contre le mariage pour tous était des "Blancs", plutôt de classe aisée, et autres catholiques intégristes. Je ne suis pas là non plus pour dire qu'il n'y a pas d'homophobie dans les quartiers populaires.


Vous dites aussi que certains homosexuels ont une vision un peu stéréotypée du "jeune de banlieue"…


Effectivement, aujourd'hui, certains d'entre eux vivent repliés sur leur "communauté", dans leur "ghetto". Ils ont une vision de plus en plus caricaturale de ce qu'on appelle le "jeune de banlieue à casquette". Mon rôle est de faire rencontrer tout ce monde afin de déconstruire de part et d'autre toutes les représentations.


Vous vous battez surtout pour une convergence des luttes ?


Effectivement. Je suis de gauche donc je me bats à la fois contre le colonialisme partout où il se trouve, contre l'islamophobie, le racisme anti-juif, le racisme anti-rom, le sexisme, l'homophobie. Pas de hiérarchie entre les discriminations. Pour moi, la lutte contre l'homophobie l'islamophobie, ou tous les autres racismes, c'est le même combat. Dommage que la convergence des luttes reste un fantasme.


Propos recueillis par Nadir Dendoune

Nadir Dendoune