Une campagne contre la cherté des médicaments censurée par les réseaux d’affichage

 Une campagne contre la cherté des médicaments censurée par les réseaux d’affichage

Les 12 affiches qui dénoncent les marges des laboratoires pharmaceutiques supportées par les malades et la sécurité sociale ont été boycottées par les réseaux d’affichage urbain.


Une campagne-choc et une pétition contre les prix « révoltants » des médicaments pour soigner notamment le cancer et l'hépatite C, sont lancées lundi par Médecins du Monde (MdM) qui appelle le gouvernement à prendre ses responsabilités afin de permettre l'accès de tous aux traitements. Mais, les réseaux d’affichage urbains (panneaux, métro, abribus) ont refusé de louer leurs espaces à MdM.


 


Logique de maximisation du profit des laboratoires


Ces prix « exorbitants mettent en danger le système de santé et on a déjà assisté au rationnement du traitement efficace de l'hépatite C pour la première fois de notre histoire », souligne Olivier Maguet, responsable à MdM de cette campagne. Le Solvadi (le sofosbuvir du laboratoire américain Gilead), premier des antiviraux efficaces contre l’hépatite C, a été un révélateur. Le traitement de 3 mois est vendu 41 000 par patient alors qu’il coûterait moins de 100 euros à produire, selon les travaux du chercheur Andrew Hill de l'Université de Liverpool, souligne MdM. Même constat pour le Glivec, un traitement contre la leucémie, qui est aujourd’hui vendu 40 000 euros par an et par patient pour un coût de production estimé à seulement 200 euros, selon les chiffres de l’ONG.


« Malheureusement, cette tendance à l'inflation des prix ne fait qu'augmenter et la Sécurité sociale peut de moins en moins payer », ajoute-t-il en évoquant également les nouveaux traitements du cancer (immunothérapie…), alors que 400 000 nouveaux cas de cette maladie sont observés chaque année. Les autorités chargées de réguler le marché des médicaments – qui dépendent de l'État – ne jouent plus leur rôle et s'alignent trop souvent sur les prix avancés par les laboratoires, déplore le Dr Françoise Sivignon, présidente de MdM.


Un rapport sénatorial américain de 2015 sur ce médicament a mis en évidence « la logique de maximisation du profit » à l'oeuvre dans tout le secteur comme avec les nouveaux médicaments contre le cancer, relève M. Maguet.


 


Boycott des afficheurs


La campagne de communication grand public vise donc à dénoncer « marges colossales et révoltantes » des laboratoires pharmaceutiques. Elle se décline en douze affiches axées sur la rentabilité des maladies : « Avec l’immobilier et le pétrole, quel est l’un des marchés les plus rentables ? La maladie » et « 1 milliard d’euros de bénéfice, l’hépatite C on en vit très bien ». Autre exemple : « Le mélanome c’est quoi exactement ? C’est 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires ». La pétition adressée à Marisol Touraine, ministre de la Santé pour faire baisser le prix des médicaments est accessible en ligne sur : www.leprixdelavie.com.


La campagne d'affichage urbain a toutefois été refusée par l’ensemble des réseaux d’afficheurs en raison d'un risque de réactions négatives de la part de l'industrie pharmaceutique, affirme le Dr Maguet. L’Autorité professionnelle de régulation de la publicité (ARPP) a en effet recommandé à ses membres de ne pas louer d’espaces à MdM, estimant que ces affiches pourraient nuire aux laboratoires pharmaceutiques. Les 1 200 bénévoles de l'ONG feront donc un « affichage sauvage » de la campagne par ailleurs diffusée via le web et les réseaux sociaux et dans les grands quotidiens nationaux.


De son côté, le Leem (industrie pharmaceutique) « réagit avec la plus grande fermeté aux propos caricaturaux et outranciers tenus par Médecins du Monde ». « Le prix de ces médicaments est fixé par le Comité économique des produits de santé (organisme dépendant de l'État, NDLR) à l’issue de négociations avec les industriels », rappelle-t-il.


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif