Harissa, raï et palmier dattier sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO

 Harissa, raï et palmier dattier sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO

Des guirlandes de piments mises à sécher en vue d’en faire de la harissa. Ramagri/Wikimedia

La harissa, fameux condiment épicé originaire de Tunisie, figure désormais dans le marbre de la liste du patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Elle rejoint ainsi l’un de ses meilleurs alliés, la baguette française, ainsi que le raï algérien. À noter aussi l’inscription de la culture du palmier dattier. Une candidature que portait un groupe de pays, dont la Tunisie, le Maroc ou encore le Soudan.

Réuni à Rabat, le Comité du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, qui honore avant tout des traditions à sauvegarder plus que les produits eux-mêmes, a annoncé avoir inscrit à sa liste de patrimoine immatériel « la harissa, savoirs, savoir-faire et pratiques culinaires et sociales ». Mais également le « Raï, chanson populaire d’Algérie » et les « connaissances, savoir-faire, traditions et pratiques associés au palmier dattier ».

Adoptée en octobre 2003 et ratifiée par 180 pays, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel promeut la sauvegarde des connaissances et savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel. Au total, 39 traditions culturelles ont fait leur entrée sur cette liste.

 

La harissa : une épice et plus encore

La harissa est cuisinée à partir de piments séchés au soleil, d’épices fraîchement préparées et d’huile d’olive qui la conserve et en atténue le piquant. On la trouve quasiment dans toutes les assiettes de restaurateurs en Tunisie. Elle a également trouvé sa place dans les étals de supermarché de nombreux pays.

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La harissa est « un élément identitaire du patrimoine culinaire national, et un facteur de cohésion sociale », plaide le dossier de candidature tunisien. La préparation fait en outre « partie intégrante des provisions domestiques et des traditions culinaires et alimentaires quotidiennes de toute la société tunisienne », ajoute le texte.

En outre, la culture du piment qui lui sert de base a aussi ses traditions. Il interdit ainsi les semis pendant certaines périodes porteuses de malchances. Les femmes confectionnent ensuite des guirlandes de piments séchés, qu’elles accrochent aux métiers à tisser. Les bijoutiers en font des répliques en corail qui servent à éloigner les mauvais esprits.

Ironiquement, la harissa tunisienne et la baguette française font leur entrée en même temps dans la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Or, si la tabouna, pain traditionnel à base de semoule, est le meilleur moyen de déguster la harissa, beaucoup de connaisseurs l’apprécient également avec une tranche de baguette fraiche et croustillante, bien plus facile à trouver en dehors de Tunisie.

 

Chanter l’amour, la liberté et le désespoir

Autre entrée de l’année sur cette liste : le raï algérien. « Moyen de transmettre la réalité sociale sans tabous ni censure, la musique raï touche à des thèmes comme l’amour, la liberté, le désespoir et les pressions sociales », affirment les promoteurs algériens. Ce style musical très reconnaissable dérive des traditions poétiques rurales d’Algérie, auxquelles des auteurs ont ajouté au début du 20e siècle de nouveaux thèmes plus populaires.

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Au fil du temps, Raï s’est progressivement fait connaître, d’abord au niveau national lors des rituels et des mariages, puis au niveau mondial grâce à des artistes comme Khaled et Mami. « Son message de liberté et de transgression est universel (…) C’est un canal pour exprimer leurs sentiments dans leur quête de se libérer des contraintes sociales », ajoute le dossier de candidature. Les musiciens fabriquent et décorent leurs propres instruments, et la transmission se fait de façon informelle, par l’observation, ou formellement, par l’apprentissage.

 

Le palmier dattier : pilier de la civilisation arabe

Les pays peuvent également s’associer pour porter une candidature. C’est le cas avec les « connaissances, savoir-faire, traditions et pratiques associés au palmier dattier ». Les 15 plus importants producteurs, du Maroc au Yémen, en passant par la Tunisie, l’Égypte, l’Arabie saoudite ou encore la Palestine, ont demandé à ce que soit reconnue cette tradition agricole. L’Algérie, dont la réputation n’est plus à faire en matière de dates, ne participait pas à cette candidature.

« Pendant des siècles, de nombreuses populations ont été associées au palmier dattier, ce qui les a aidés dans la construction de leurs civilisations dans les régions arides. L’ancienne relation historique entre la région arabe et les palmiers dattiers a permis un riche patrimoine culturel qui a été transmis à travers les générations », selon le texte remis par les candidats.

Ils soulignent que ces pratiques se maintiennent encore aujourd’hui. Source alimentaire, le palmier sert aussi dans l’artisanat et la construction avec ses tiges, son tronc et ses fibres. Cet élément essentiel de la vie des oasis en a également fait un thème central de la poésie et la chanson arabe.

Rached Cherif