Harkis, tirailleurs : le passé colonial de la France exposé à Cannes

 Harkis, tirailleurs : le passé colonial de la France exposé à Cannes

Avec « Les Harkis » et « Tirailleurs », Cannes plonge les spectateurs dans la face sombre du colonialisme français.

Au Festival de Cannes, les cinéastes ont offert à la France un miroir sur son passé colonial. À grand renfort de vedettes internationales, certains réalisateurs ont voulu exposer les injustices qu’on subit les populations des colonies, notamment en Afrique.

La colonisation de l’Algérie et les horreurs de la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962) ont profondément marqué les deux nations. Même si ce passé douloureux continue de structurer les relations franco-algériennes, il a très longtemps été peu abordé dans l’Hexagone. Un silence totalement à l’opposé de l’overdose d’œuvres tentant de glorifier la guerre du Vietnam aux États-Unis par exemple.

Certes, le président Emmanuel Macron a reconnu des crimes, y compris un massacre par la police algérienne à Paris en 1961, qu’il a qualifié d’« inexcusable ». Son gouvernement a toutefois exclu la possibilité de « présenter des excuses » pour le passé colonial de la France.

Le film « Les Harkis » met ainsi un coup de projecteur sur ces auxiliaires de l’armée française dans la Guerre d’indépendance algérienne. La plupart ont été abandonnés quand la France s’est retirée de l’Algérie et ont dû faire face à la vengeance des Algériens victorieux.

Le film place la responsabilité de cette « trahison criminelle » et des massacres subséquents de Harkis fermement à la porte du président de l’époque, Charles de Gaulle. Le réalisateur, lui-même d’origine algérienne explique qu’il a ainsi souhaité « rappeler cette histoire et regarder la vérité dans les yeux ».

 

Tirailleurs sénégalais dans les tranchées

Dans un autre « Tirailleurs (Père et soldat) »., Mathieu Vadepied évoque l’histoire peu connue du recrutement forcé de soldats sénégalais pour l’effort de guerre de la Première Guerre mondiale. La superstar française Omar Sy joue le rôle principal dans l’histoire d’un père et d’un fils qui sont tous deux forcés dans les tranchées.

« Mon idée est de remettre les choses en question, » a déclaré le réalisateur. Il a voulu « questionner la relation historique de la France avec ses anciennes colonies ».et de s’interroger : « savons-nous même ce que nous avons fait ? » L’idée était cependant « de ne pas culpabiliser les gens, mais de reconnaître l’histoire douloureuse ».

« Nous avons la même histoire, mais nous n’avons pas les mêmes souvenirs », a résumé Omar Sy. Lui-même fils français d’immigrants ouest-africains.

 

Un film sur Malik Oussekine 35 ans après

Enfin, la deuxième semaine de Cannes verra la projection de « Nos Frangins » par le réalisateur français Rachid Bouchareb. Le même qui, en 2006, avait déclenché un débat national avec « Indigenes » (« Jours de gloire »). Le film à grand budget revenait sur la contribution des soldats nord-africains à la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale.

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Dans « Nos Frangins », il raconte l’histoire de Malik Oussekine. Cet étudiant tué en 1986 et dont le nom résonne profondément parmi les minorités françaises. Dans la nuit du 6 décembre 1986, deux policiers ont battu à mort un Franco-Algérien de 22 ans en marge d’une manifestation étudiante à Paris.

Il ne participait pas à la manifestation et son assassinat a déclenché des semaines d’agitation. Les officiers en cause ont finalement écopé d’une condamnation sans précédent. Il a fallu 35 ans pour que la mort de Malik Oussekine soit racontée à l’écran.

Rached Cherif