Nawell Madani : « Le public algérien a soif de spectacles »

 Nawell Madani : « Le public algérien a soif de spectacles »

crédit photo : Alice Moitié


L'humoriste et réalisatrice, Nawell Madani revient pour nous sur la création du festival d'humour, Alger mon humour et sur sa relation avec le public algérien.


Comment est née cette envie, presque viscérale, de créer un rendez-vous d’humour en Algérie ?


C’est quand même dingue de se voir inviter dans tous les pays, et pas le sien. J’ai toujours rêvé qu’un jour, on me donne une scène en Algérie, comme celles de Montréal, Montreux ou Marrakech. Non seulement ce genre d’événement permet de faire connaître les artistes, mais il offre aussi une occasion de dévoiler le pays, d’une autre manière que par les images de Yann Arthus-Bertrand, qui avait scotché tout le monde ! Je veux que les gens prennent autant de plaisir à être dans une ville algérienne qu’à Avignon en famille, entre amis ou entre professionnels.


 


L’Algérie est-elle vraiment prête à accueillir cette mutation vers des événements culturels ?


C’est vrai que ce pays souffre encore de la décennie noire durant laquelle la culture était la cible, mais le public est en demande. Il a soif de ça ! Il a besoin de vibrer au rythme de spectacles, d’artistes venant de tous les pays pour se produire devant lui. Ça fait des années qu’on me sollicite pour que j’y monte des scènes.


 


Qu’est-ce qui vous empêchait, jusqu’alors, de le faire ?


Comme le milieu du festival d’humour est encore balbutiant, les interlocuteurs et les structures sur place le sont aussi. C’est difficile de trouver de vrais producteurs, des tourneurs, des staffs disponibles et équipés, il n’y a pas tous ces métiers encore. Alors, quand j’ai lancé en janvier la première édition d’Alger mon humour, j’ai dû faire face à cette réalité. Il y a un décalage entre le public, chaleureux et accueillant, et l’organisation, qui n’est pas encore aboutie.


 


Après avoir connu quelques couacs, que vous avez commentés sur les réseaux sociaux, vous avez décidé de monter votre propre structure là-bas. Expliquez-nous ce choix.


Je me suis excusée, surtout auprès du public, pour les soucis rencontrés, comme les problèmes de surbooking. Ceux-ci n’étaient pas de mon fait. Des familles étaient venues des quatre coins du pays, avaient attendu des heures avec leur billet pour finalement être refusées ! C’est très délicat, car c’est bien ma réputation qui est en jeu. J’ai appris, et je veillerai à éviter ce genre de choses. Cette fois-ci, je suis en train de travailler sur une édition qui consisterait à installer le festival dans une ville (Alger ou Oran) et en faire le pôle du spectacle, avec des scènes, des workshops, des plateaux d’humoristes, des “battles” de danse, des projections de films… Que la ville vibre au rythme de cet évènement. Je viens tout juste de recevoir la licence pour le faire, la machine est en route !


 


Qu’avez-vous retenu de la première édition d’Alger mon ­humour, qui a eu lieu de janvier ?


Que c’était possible ! Que mon rêve de sept ans se concrétisait enfin, et qu’il fallait absolument convaincre le pays de faire de la culture une priorité. Car le public est avide, il est en transe. Quand je revois les images des quatre opéras qui ont fait salle comble, j’ai la chair de poule. Je me souviens de leur folie, des standing ovations, des youyous et applaudissements sans fin, je n’avais jamais vu ça ! C’était irréel. Quelle belle récompense, pour les 40 danseurs, les dix musiciens et les sept humoristes invités ! Je revois Guy Bedos pleurant sur scène, c’était tellement vibrant. Je veux montrer mon Algérie, généreuse, joyeuse, partageuse, émouvante, si belle… une Algérie qui est prête. Ce ­festival est pour mon pays. Alors, rendez-vous très vite pour la deuxième édition : je vous promets de grandes choses ! 

Barka Benhemine